Goutte

J'aurais pu être ailleurs, mais je suis là à te voir. Je te regarde d'ailleurs, mais tu ne me vois pas toi. Il faut dire que ton visage montre des signes d'inquiétude et de tristesse. Je l'ai vu autrefois plein de quiétude et d'allégresse. Je suis assez loin, assez près.

Suffisamment loin pour que tu ne te rendes pas même compte de ma présence, pour ne pas te gêner, ne pas brûler cet instant que, j'imagine, tu ne souhaites pas partager. Tu sembles vouloir sortir de toi, pour ne plus sentir ce qui fait de toi ce que tu es, habitée par une palpable tristesse, une angoisse calme, perdue au milieu de toi...

Cependant suffisamment près pour détailler la fatigue et la tristesse sur chaque millimètre carré de ton visage, pour entendre tes lamentations sourdes, sentir le parfum délicat et amer de cette détresse qui te hante... 

Surtout, suffisamment près pour voir naître cette goutte du trop plein en toi, ce condensé d'émotions, cette incroyable explosion de sentiments aujourd'hui négatifs... Suffisamment près pour vouloir te serrer contre moi, t'enlacer en espérant naïvement que tu oublies pourquoi tu es là, comme ça, dans cette émotion, dans cette peine, dans ce néant trop plein qui est le tien. 

Cette goutte s'ecrasera bientôt au sol, silencieusement, j'entendrai cependant l'explosion cataclysmique du fracas des émotions qui l'habitent... Cette goutte d'eau salée qui est bien plus qu'un ensemble d'éléments, c'est un ensemble d'émotions... C'est une preuve de ton humanité...