Grand-père, dessine-moi un dinosaure...

gepy

Grand-père, dessine-moi un dinosaure...

 Je kiffe un max mon grand-père. J'aime bien lui prendre la tête, style : « Dis l'ancêtre, c'était comment quand tu vivais à l'époque des dinosaures ? »

Il m'a souri : « Mon pauvre ado, aussi futé que tu sois, jamais tu n'aurais pu survivre dans cette ère. »

Et on en est resté là.

Du moins jusqu'au moment où je me suis retrouvé debout dans une caverne froide, humide, imprégnée d'une odeur pestilentielle venue de... Je l'ignorais. Heureusement, je fleurais bon dans mon propre parfum.

Rêvais-je ? Que nenni ! Mon pincement de cuisse me fut douloureux.

A l'extérieur de la caverne, je ne distinguai que peu de clarté. Les herbes étaient incroyablement hautes et le feuillage des arbres étonnamment touffu.

Alors je m'écriai, non sans une certaine retenue : « Hou, hou, y-a-t-il âme qui vive dans cette sauvage forêt ? »

En réponse, je ressentis des vibrations répétées provenant du sol, de plus en plus perceptibles. Un bruit sourd et régulier les accompagnaient.

Une ombre immense me survola. « Diantre, le ciel est orageux».

Mais, en fait, point du tout. Devant moi se tenait, dominant et fier, un monstrueux diplodocus. Je l'affirmais, c'était un diplodocus ; nous en parlâmes en cours par le passé. .. Ou par le futur... Ce n'était point l'heure de disserter présentement.

L'énorme bestiole baissa son long cou dans ma direction. Je m'accolai à la paroi de la caverne, recherchant spirituellement l'invisibilité. Mais son étirement cervical arriva malgré tout jusqu'à moi. J'eus comme la sensation d'être aspiré par son gros museau à chacune de ses inspirations. Je fus convaincu : la bête aimait mes senteurs corporelles parfumées.

Sa langue se déroula et m'attrapa avec délicatesse. J'urinai massivement et chaudement dans mon pantalon.

Elle me tenait et me balançait du bout de … ses lèvres. Quelle haleine fétide !

Je n'avais point appris à prier. Cela aurait peut-être soulagé quelque peu ma terrifiante angoisse et ma profonde solitude.

Ma vessie vidée, je m'initiai à vidanger progressivement mon estomac.

Indifférent à mes effluves naturels, le monstre se baladait tranquillement. Il finit par me déposer, avec douceur, au milieu de ses œufs. Ils étaient au nombre de trois. Quel était donc le but de mon arrivée parmi eux ? Leur donner un autre petit frère ? Peut-être me réservait-elle la fonction de nourrice ? A moins que je ne sois leur premier hochet ? Je chassais de mon esprit torturé l'idée d'être leur premier festin.

Je fus, je l'avoue, un tant soit peu désappointé.

Je pris le parti de m'étendre et de dormir dans ce nid « protecteur » au demeurant.

Que d'émotions, délabré physiquement j'étais ! Ce n'était qu'un mauvais rêve, assurément. Au réveil, ma vie sera redevenue Ma Vie.

Je sursautai de peur. Maman diplodocus avait émis un puissant grognement de colère. Elle se défendait hargneusement contre un gigantesque dinosaurus agressif.

Ô rage, ô désespoir : sa portée était menacée et moi de même.

Le combat était violent. Les coups de dents pleuvaient. Les coups de queue tombaient.

« Ciel, je vais être écrasé par cet appendice géant. » Mes bras se levèrent pour me protéger du terrible choc.

Mes frères allaient-ils mourir avant de naître ? Allais-je moi aussi trépasser ainsi ?

Je recroquevillai ma misérable jeune personne.

Ma foi, trop de terreur, je me pâmai sur le sol.

 La voix de mon grand-père me fit reprendre conscience :

« Alors, l'Ado, il était comment le voyage trans-neuronal cérébral que je t'ai offert? »

Je m'étirais de soulagement et de bien-être pour répondre :

« Cool, grand-père, j'ai flippé grave ! T'as raison, c'est pas gagné la vie dans la préhistoire. Trop bien ce voyage. J'ai une de ses faims.

Par contre, j'arrivais pas à parler comme d'hab., c'était bizarre, décalé je dirai ! Trop drôle, ce truc de langage !»

« Oui, je m'en doutais. Tu comprends, ça coûte très cher, mon garçon, ce genre de voyage trans-neuronal à réveil mémoriel antérograde avec activation synaptique garantie, ça coûte vraiment très cher ! Alors, je l'avoue, j'ai pris un tarif promotionnel. Et à ce prix là, on peut malheureusement redouter quelques imperfections ».

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