Haut les coeurs ! Il est temps d'agir !

clemstonem

Petit texte autobiographique qui vise à faire réfléchir.

Comme beaucoup de petites filles, je prenais les instants comme ils venaient. Ma conception de la vie s’arrêtait à celle que mes parents avaient bien voulu me communiquer.  Quand je pensais à ce qu’était une femme, je voyais une grande dame qui avait un portable et un mari, des chaussures qui claquaient sur le sol et un sac à main remplie de choses qui servaient à payer. Quand je pensais à un homme, je voyais un grand monsieur au volant d’une voiture qui partait travailler, une petite sacoche en cuir sur le côté. Toute ma jeunesse j’ai été influencé par les clichés que je m’étais créés, et parfois les choses n’étaient pas telles que je les avais imaginés, j’étais déboussolée. Puis j’ai grandis et c’est alors que j’ai compris. J’ai compris qu’il n’y avait pas un homme et une femme mais des hommes et des femmes. Que chacun avait son parcours, ses envies, son caractères, ses origines. J’ai compris qu’être normal ne voulait rien dire.

 Alors, j’ai vécu.

J’ai vu mes grands-parents vieillir, leurs yeux se creuser. J’ai surpris mon grand-père en train de compter le nombre d’été qui lui restait à vivre et en le regardant, je me suis perdue dans la profondeur de ses yeux humides. Je me souviens du jour où mon père est rentré et nous a annoncé qu’il était au chômage, j’ai remarqué ses premiers cheveux blancs, ses mains fébriles qui cherchait un point d’appui. J’ai connu la peur de manquer, et pourtant je savais que mes parents se battraient pour que je ne voie aucun changement. J’ai vu des familles se déchirer et d’autres se former, j’ai compris qu’aucune d’elles n’étaient parfaites.

Je me suis aperçue que les mots pouvaient blesser quand j’ai vu ma mère pleurer après des disputes. Puis, je m’en suis servie pour me venger, insulter, me faire pardonner, décharger ma haine ou mon amour ; j’ai appris à laisser mon stylo coucher les mots sur le papier et à les aimer. Je me suis demandée s’il ne fallait pas que je parte pour tout recommencer, pour sortir de mon petit confort et découvrir quelque chose de vrai.

Je me suis posée des questions que je n’avais jamais imaginé me poser avant. J’ai découvert l’existence de maladie dont je n’avais jamais attendu le nom. J’ai bien vu que les choses n’allaient pas en s’arrangeant, j’ai eu du mal à tout gérer. J’ai entrevu l’appréhension, l’inquiétude de se tromper, mais surtout la solitude. J’ai constaté qu’on ne vivait que pour soi, que la solitude serait toujours là à m’écraser de tout son poids, qu’elle serait mon plus fidèle compagnon.

J’ai rencontré bon nombre de gens très différents. J’en ai détesté quelque uns, ceux qui m’ont humilié, torturé moralement et physiquement, et je n’hésiterais pas à me venger si un jour l’opportunité se présentait. Il y en a eu d’autres qui n’ont fait que passer sans s’arrêter et ne resteront dans ma mémoire qu’une lointaine ombre insaisissable. Puis bien sûr, mes amis d’un moment, qui m’ont apporté énormément mais qui ont fait leur temps, s’opposent à mes amis de toujours que je peux compter sur les doigts d’une main, qui sont mon oxygène, ma raison de vivre. Enfin, j’ai eu des copains sans savoir vraiment pourquoi j’étais avec eux, d’autres que je n’ai pas su aimer, et très peu avec qui j’aurais pu vraiment construire quelque chose d’intéressant.

J’ai connu l’atroce douleur d’une partie du corps mutilée. Je l’ai comparé à l’affliction morale et j’ai pu constater que cette dernière était la pire de toute. Cette douleur qui s’installe confortablement au fond de ton cœur et  finis par tirer les rennes de ton esprit. J’ai ressentis la souffrance par la perte des amis qui m’étaient si cher, puis la peur de perdre ceux qui restait. J’ai subis la difficulté de faire confiance à moi et aux autres, et j’ai regretté de l’avoir accordé aux mauvaises personnes.

J’ai découvert qu’on n’avait pas besoin de partir à l’autre bout du monde pour voir la misère mais qu’il suffisait de sortir de chez soi pour contempler la pauvreté. J’ai vu un homme recroquevillé par terre en bas de chez moi, entre un mur et les poubelles, je savais qu’il dormirait ici cette nuit, dans le froid et la pluie, mais je ne l’ai pas aidé. Au chaud devant ma télé, j’ai observé les survivants d’un typhon aux Philippines, trainant dans la boue et les débris à la recherche de leur famille. Quand on m’a proposé de faire un don à la croix rouge qui partait les aider, j’ai décliné l’offre sans aucune hésitation. Je me suis toujours dis que je ne pourrais rien changer moi toute seule.

J’ai remarqué le regard éteint de quelques-uns de mes camarades de classe, leur regard vide quand on leur parle d’avenir. Aucun leurre, ils n’ont plus d’espoir de réussir. J’ai constaté que bon nombre de gens sont déjà blasé à 17 ans, il marche inlassablement d’un air lasse sans être étonné par quoique ce soit. Je les comprends, comment peut-on avoir foi en notre société ? Apparemment, le pire reste à venir, l’épuisement des ressources, la violence, l’appauvrissement, les inégalités, le réchauffement climatique, les guerres et crises à répétition.

J’ai découvert que je ne pourrais pas tout avoir, que certains aurait plus que moi mais que beaucoup d’autre aurait infiniment moins. J’ai appris que ce n’était pas si inutile que ça de rêver, et que même s’il ne suffisait pas de croire pour s’en sortir, rien n’était prédestiné, il fallait foncer tête baissée. Bien sûr on pourrait se prendre un mur, mais le front est grand, on a de la place pour plusieurs bosses. Je commence à concevoir le fait que je puisse changer quelque chose, chaque brique est importante pour construire une maison.

Parfois j’ai cru en Dieu. Je m’en suis remise aux forces divines quand j’étais dans le noir. D’autre fois, j’ai profané, bafoué l’héritage religieux de mes parents sans scrupule. Douter fait partie de la croyance, heureux celui qui croit sans voir. Je suis fière d’être chrétienne, je sais que Dieu m’a aidé, trop souvent je n’ai pas su le voir.

J’ai discerné une des plus belles choses de ce monde, la musique. La seule qui sait dompter mes sentiments et les exalter. Elle me fait vivre, voyager, rire, pleurer, me révolter, écrire. Elle est l’essence de mon cœur, la meilleure amie de ma solitude, le témoin de mes plus beaux moments. Sans elle le monde serait fade, elle m’accompagnera jusqu’à  que je ferme définitivement les yeux.

J’ai connu des moments inoubliables qui peuplent encore mes soirées de nostalgie. J’ai vécu toute une série de première fois, inscrite au plus profond de moi, qui a forgé mon expérience. Première fois que j’ai pris l’avion, que j’ai vu la Tour Eiffel, que j’ai fumé, que j’ai pris de la drogue, que j’ai voyagé seule, que j’ai dit « je t’aime » ; première fois que j’ai embrassé un garçon ou bien une fille, que j’ai couché avec un garçon, que j’ai beaucoup trop bu ; ma première virée en hélicoptère, les premières fois où j’ai essayé de cuisiner et mon premier bain de minuit,… Liste non exhaustive et surement pas terminée. Erreur ou pas, ce que je suis et ce que je serais dépend et dépendra de mes actes. Je ne peux pas changer le passé mais je peux modifier le futur.

J’ai remarqué que tout n’était pas si noir. J’ai vu des associations se démener pour aider les plus démunis, des médecins sans frontières soigner des petits Africains avec une humanité resplendissante, les restos du cœur donner des repas à des gens qui n’avait plus rien. On m’a parlé de l’appel de l’Abbé Pierre en 1954 et de l’incroyable solidarité qui s’était créée. J’ai vu la lueur d’espoir et de courage de toutes ses personnes que la vie n’a pas épargnée lorsqu’elle touchait le rocher de la vierge à Lourdes. J’ai regardé la vidéo de Remy Gaillard où il est arrivé à faire danser des gens du monde entier sur une musique des Daft Punk. Je sais que partout dans le monde des gens se battent pour la démocratie et les libertés fondamentales, que d’autre s’occupe de la sauvegarde de notre environnement et lutte contre l’extinction de certaines espèces animales.

Je n’ai que 17 ans et on me dit souvent que je n’ai pas vécu grand-chose. Certes je le conçois, tant d’évènements  et d’expériences sont à venir. Je voudrais juste ne jamais perdre ce que je suis. Je pense que beaucoup de personnes se retrouveront dans tout ce que j’ai décrit ici, parce qu’aussi différent que l’on puisse être, on reste des humains aux caractéristiques semblables. Il y a beaucoup de choses que j’ai comprises et découvertes, et une multitude d’autre contre lesquelles il m’est impossible de lutter. La société que mes ainées m’ont légué ne me convient pas, mais je ne vais pas me plaindre, elle m’est plutôt bénéfique. Pourtant, je ne peux pas rester ici sans rien faire. Aussi petit que mon champ d’action peut être, il mérite d’exister. Le vôtre aussi.

Haut les cœurs ! Révélons la beauté et l’humanité du monde qui nous entoure !

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