Hello, I love you, won’t you tell me your name ?

fionavanessa

Petite histoire à dormir debout.

Hello, I love you, won't you tell me your name ?

A l'âge de l'éducation sentimentale, j'ai été nourrie au lait des sœurs Brontë, de Shakespeare, de Fielding, de Dickens ; et encore de Stendhal, Balzac, Tolstoï, Tourgueniev et Tchekhov. Autant de contrées antiques où l'homme était l'avenir de la femme, où celle-ci n'existait pas avant d'être lancée dans la société, sur le marché du mariage.

Ma part de romanesque s'est donc développée. Mais je me passionnai en même temps pour Camus, Céline, le récit de la maison des morts de Dostoïevski, Blaise Pascal, Voltaire, Wilde, Milan Kundera et le monde onirique et futuriste d'Evguéni Zamiatine, Nous autres.

Ce qui m'a valu quelques nuits blanches à m'interroger sur l'existence. Et un 20/20 au bac de philo. Mes parents, lors de dîners, me présentaient ainsi, avec ma mention. Ils omettaient d'ajouter que j'étais maman à vingt et un ans, mais là j'opère un raccourci.

J'ai donc été une jeune fille en fleur, et tenais un journal, échangeai quelques baisers, mais vouai un amour platonique à Ivan, avec qui je correspondais pendant cinq longues années, de quatorze à dix-neuf ans. Oui, Facebook et les sms n'existaient pas alors. Je me suis enfuie de chez mes parents quand j'ai rencontré mon premier amour. On m'a demandée en mariage à l'âge de dix-huit ans. Ma tête fut la plus forte, et je déclinai l'offre, désirant étudier, et connaître le monde.

Lorsque quelques années plus tard, je me mariai, ce fut au père de ma fille, à la mairie du village de mes parents, un vendredi, à midi. Car si j'étais chrétienne, il était musulman. Personne de sa famille  ne vint. La marraine de notre fille fut son témoin. Il y eut un repas champêtre chez mes parents, puis ma mère nous conduisit à Périgueux, car la préfecture fermait à quatre heures et il fallait déposer une demande pour mon conjoint qui souhaitait obtenir la nationalité française. Je raconterai ailleurs ce qui s'ensuivit. Car ici, je ne puis être ni l'apologue, ni la détractrice du mariage, puisque le soir de la noce, je le passai dans ma chambre de jeune fille, où s'était rajouté le berceau de mon bébé. Le marié s'était envolé par voie de chemin de fer, car s'il était de dix ans mon aîné, il était encore étudiant à Lyon, et veilleur de nuit pour subvenir à ses besoins.

Mon capital romanesque s'était donc consumé dans les cendres de mon premier amour. Lorsqu'à 22 ans, je divorçai, je n'avais aucune expérience de la vie commune avec un homme. Je vivais dans un appartement mansardé avec ma fille, ma licence en poche, et je travaillai à la bibliothèque municipale. Une vie monacale. Par la suite et pendant trois ans, je vécus heureuse avec un homme et comme maman de deux enfants, jusqu'à ce qu'il m'avoue son homosexualité, dans laquelle j'avais en quelque sorte servi d'alibi à la normalité.

De dix-neuf ans à vingt-quatre, je connus donc différents états de la femme non mariée.

Pardon, mais vous aurez compris que mon histoire, très fournie en péripéties, soit longue à raconter.  Très peu convenante pour se présenter à un dîner. Et j'ai eu pitié de vous, lecteurs, croyez-moi, je vous ai épargné le bref récit qui de vingt-six ans à trente-huit ans me valut deux enfants et un chagrin d'amour de plus.

Ainsi, je me suis trouvée à l'âge où la conversation masculine avait présenté pour moi différents attraits, en cette période d'avant internet, où les êtres devaient effectivement se rencontrer en chair et en os, pour pouvoir converser.

J'avais, ce faisant, au gré des rencontres, étendu mes connaissances en religions, en art, en physique magnétique, en philosophie et en psychologie, et même en droit avec mon divorce. J'avais appris à mes dépens que je représentai une espèce de marchandise qui permettait d'accéder à un statut social, à une carte d'identité, à la paternité. J'avais appris en passant qu'un homme s'arrêtait facilement à ce que son regard lui montrait, sans chercher à connaître les secrets, les goûts d'une femme. Je me suis cachée, pour survivre, derrière des mots, derrière la maternité, derrière le travail, derrière une certaine conscience que le monde va mal.

Et ce faisant est venue l'envie de ne plus se cacher du tout. De parler vrai. La vérité, c'est qu'après la force de persuasion masculine, la force de l'inconscient, la manipulation mentale et le calcul, puisque par la suite j'ai vécu six ans avec ce qu'on appelle un pervers narcissique, j'ai découvert quelques êtres rares qui avaient vraiment envie de partager, de découvrir qui  j'étais, ce que j'aimais, et qui m'acceptaient comme telle.

D'où le titre, ”Hello, I love you, won't you tell me your name?”

L”amour, ou l'attraction, vont arrêter la personne à connaître, après-coup, le nom, et peut-être quelques qualificatifs de la femme aimée, elle est jolie, elle est gentille, elle est maternelle, elle est intelligente, elle comprend l'humour, elle est bonne cuisinière, elle peut donc me convenir.

Je ne suis pas un Ovni. Cela ne fait pas de moi un Ovni de vouloir connaître l'histoire d'une personne, sa manière de vivre, ses convictions, ses déboires familiaux ou sentimentaux avant de m'arrêter  à ce que mes sens m'ont donné à voir, à ressentir. J'ai besoin de savoir ce qui fait pétiller votre regard, c'est ainsi. J'ai besoin de savoir que vous voulez vraiment me connaître, et que vous n'êtes ni un manipulateur charmant mais pervers, ni un homosexuel refoulé, ni un alcoolique, ni un violeur, ni un violent, ni un menteur, ni un profiteur. Alors pardonnez-moi ma vulnérabilité dans ce vaste marché, pardonnez que je ne réponde ni à vos sifflements, ni à vos sarcasmes, ni même à votre invitation à échanger nos numéros de téléphones. Quant à mon nom, vous l'apprendrez peut-être, mais saurez-vous l'entendre ? Quant à mon regard, qui appelle un chat un chat, saurez-vous le soutenir ? L'emplirez-vous de larmes vous aussi? Saurez-vous me désarmer en vous montrant tel que vous êtes, sans tricher ? Saurez-vous ne pas rire de mes amours déçues, saurez-vous rire de vous tout comme je me ris de moi ? Saurez-vous reconnaître qu'il n'y a rien de grave à être vulnérable, du moment qu'on est authentique ? Et que c'est même là un grand charme, que d'être soi, sans détours.

 

 


  • Avec plein de retard, je lis ce récit aussi beau que prenant et positif ! Être soi !!! Ben c'est dur... Et je pense (avis perso) que l'époque (réseaux "sociaux" et surinformation) ne rend pas l'authenticité facile !

    · Il y a presque 5 ans ·
    Oiseau... 300

    astrov

  • "J'avais, ce faisant, au gré des rencontres, étendu mes connaissances en religions, en art, en physique magnétique, en philosophie et en psychologie, et même en droit avec mon divorce." Voilà donc d'excellents apprentissages.

    Pour le problème du ° change de clavier ou branche si c'est un clavier de portable un clavier externe.

    A lire ce texte... mmm ? avertissement (sic) il n'y a aucune vulnérabilité. Plus maintenant en tout cas.

    · Il y a presque 8 ans ·
    Img 1660

    Marcus Volk

  • il faut appeler une chatte une chatte.
    historiographie personnelle, soit.
    20 sur 20 c'"est une très bonne note, pour un début. espérons que vous progressiez.

    · Il y a environ 8 ans ·
    Default user

    Hiwen

    • Pour°moi°la°notion°de°note,°de°reconnaissance°sociale°importe°très°peu.°Et°même,°dénoter°des°autres,°de°temps°en°temps,°je°trouve°ça°sain.°Quant°aux°progrès,°je°laisse°mes°amis°en°être°juges.°Merci°de°votre°lecture.°Quant°au°signe°ce°n'est°pas°de°l'ironie°mais°ma°barre°espace°ne°répond°plus.

      · Il y a environ 8 ans ·
      Mai2017 223

      fionavanessa

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