Hésitation

petronille

Il allait la vendre, cette maison. Trop de travaux à envisager, l’électricité à refaire, la chaudière à remplacer, plusieurs parquets pourris… La vendre pour le terrain, car le bâtiment… l’acquéreur s’empresserait de le démolir. Un terrain en pente, en plus, qui en voudrait ? Qu’importe, il n’avait pas vraiment besoin d’argent.

Il se dirigea vers le petit escalier qui descendait dans la cour pavée à l’abandon où l’herbe gagnait peu à peu du terrain. Le soir tombait, et dans l’obscurité il crut voir une ombre tapie contre la rambarde de fer. Il avança, se pencha. L’homme – ou la femme, comment savoir, il ne distinguait qu’une masse de haillons sur un corps recroquevillé - avait entendu du bruit et leva la tête. Deux yeux enfoncés dans un visage maigre et noirci de crasse, une bouche édentée, un rictus apeuré, deux mains crispées sur un sac avachi qui devait contenir les seuls biens de cet être pitoyable : toute une vie se dessinait dans cette triste vision.

Il tenta de faire parler l’homme – c’était bien un homme – qui répondait par monosyllabes. Je lui fais peur, songea-t-il. Quel peut bien avoir été le parcours de ce pauvre type ? Un sans-papiers, un rejeté de tous, un au-bout-du-rouleau ? Peut-être sorti de prison ? Peut-être dangereux ? Peut-être un fou, ou un criminel ?

Il se ressaisit. Qui suis-je pour me permettre de l’interroger ainsi ? Il fait froid, la nuit va venir, avec son cortège d’inquiétudes et de cauchemars. Il reste des boîtes de conserve dans les placards de la cuisine. Cette maison… Quelle chance qu’elle soit là ! Il descendit l’escalier, se pencha sur l’homme et lui donna les clefs.

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