Hey, Joe!

stockholmsyndrom

Joe, c'est le personnage de ma nouvelle. Un mec un brin psychopathe et lâche, malmené par une vie avec qui il joue le vice-versa, un fouille merde notoire, du genre a créer 36 péripéties par jour, raison pour laquelle j'ai préféré le choisir a Jean Claude, employé de poste depuis 24ans et dont la seule excitation dans la vie réside dans les weekend fanatiques qu'il passe au Parc des Princes a applaudir des milliardaires en short courir derrière un cuir lui procurant des émotions, sa femme étant trop moche et trop stoïque pour lui rappeler au bon gout du jour la définition du mot « libido ». Certes, il arrive parfois que ces gens la en viennent a enterrer leur famille entière dans le jardin mais il se trouve que Jean Claude n'a pas de jardin.

Je vais pas vous raconter la vie pourrie de Joe, considérez la comme une œuvre d'art rendant hommage a la saleté, la névrose, le chaos et l'infortune, l'infortune d'un mec qui l'entretiens.

On est en 1969, dans un Motel miteux bordant les routes du désert en plein milieu du néant propre au Nevada, dans un petit coin de civilisation. La nuit est tombée depuis peu et il doit bien faire 39degres au dehors. Joe demeure sur le lit, allongé sur le dos, dans la position de Jésus sur sa croix, les mains dans le vide, un cône de Marie Juana entre les doigts. Il fixe ce point précis au plafond, celui la même qui lui donne un air con, il a l'air admiratif, le sourire aux lèvres, il a l'air admirativement con. Son marcel fait office d'éponge, la sueur fait ressortir les taches, aléatoirement pourpres, marrons. Les seuls éclats de luminosité proviennent de l'insigne rouge clignotante parvenant a s'infiltrer a travers les espaces du store de la seule fenêtre. Il y a sur un meuble un transistor resté allumé, qui ne cesse de grésiller, le son n'est pas bon mais on peut y entendre des nouvelles fraiches rapportées du Vietnam, on compte les morts. C'est d'ailleurs peut être ca qui fait sourire Joe, l'enfant, renié, de la bannière étoilée, tout aussi concerné par le rêve Américain que par cette guerre qui se déroulait a des milliers de kilomètres.

Le temps s'écoule lentement, une sensation aussi inerte que celle que dégage le corps de Joe sur le matelas, calme bienvenu. Le bout de son joint s'éteint petit a petit, la cendre tombe sur la moquette. La chaleur est étouffante, le ventilateur inexistant. A la radio, on annonce un peu de musique, « auditeurs de Radio 50, un peu de charme avec la plantureuse blonde, jayne mansfield, Little things mean a lot. Que l'amour vous protège. ». Dès les premières notes, Joe se mit a réagir, tournant lentement la tète en direction du transistor, le regard vide, le sourire plein : « Blow me a kiss across the room

Say I look nice when I'm not

Touch my hair as you pass my chair

Little things mean a lot “

les paroles ont l'air de lui sembler familières, il a l'air d'un enfant, émerveillé, ou plutôt d'un fou, a l'allure innocente comme un gosse, un gosse qu'on aurait drogué, un ange déséquilibré :

« Give me your arm as,we cross the street

Call me at six on the dot

A line a day when you're far away

Little things mean a lot »

la mélodie découle, et petit a petit, il se mets a rire, a rire de plus en plus, plus la musique inonde ses oreilles, plus son rire est volumineux, hystérique, on cogne au mur, les incessants « ferme ta gueule ! » ne suffisent pas a couvrir l'exagération auditive émanant de ses cordes vocales :

« Don't have to buy me diamonds or pearls

Champagne, sables or such

I never cared much for diamonds and pearls

Cause honestly, honey, they just cost money. »

insultes, fou rire, insultes, fou rire, insultes, fou rire, nerveux, et comme dans un élan de schizophrénie violente, il tombe en sanglot, d'un seul coup, il pleure, toutes les larmes de son corps, il pleure, la bouche ouverte, comme pour faire ressortir une souffrance insoutenable, bloqué la, au plus profond de lui-même, la souffrance de l'agonie, la cloison tremble, Joe aussi, il est tout aussi fragile, fragile et encore plus puissant, il serre les dents et son visage se durci, les coups martèlent le mur, place a la rage, feu d'artifice d'émotions, formidable, il ouvre les yeux, les faisceaux rouges, prêts a éclater, a recouvrir la piaule entière :

«Give me your hand when I've lost my way

Give me your shoulder to cry on

Whether the day is bright or gray

Give me your heart to rely on. »

il leve le torse d'un geste vif et cri, éjecte un condensé de rage a l'état pur, les veines de son cou s'apprêtent a exploser. Il se lève et file vers la salle de bain, se passe de l'eau sur le visage, puis relève la tête. Il fusille du regard son reflet dans le miroir, le souffle est court, la chaleur étouffante et le monde entier, haine : 

"Send me the warmth of a secret smile

To show me you haven't forgot

For always and ever, now and forever

Little things mean a lot.”

un dernier regard a celui qu'il déteste et Joe s'empare du flingue posé sur le bord du lavabo, il arrache de la crosse la touffe blonde restée collée dans le sang séché, puis glisse l'arme a feu dans son jean's. Il se dirige vers la porte :

« Little things, little things,  meaaaaaaaaaaaan A LOT ! »

Joe sort et claque la porte. « Il est 23h07, la lune est belle, chers auditeurs, l'amour nous sauveras tous. »

Joe descends sur le parking ou se trouve sa voiture. Il monte, ouvres les vitres, l'odeur y est insoutenable. Il démarre le moteur. Dans la boite a gant, il attrappe la photographie d'une jolie blonde au sourire ensorceleur, il la fixe, les yeux humides : « A nous 3 sale pute ! ».

 

Joe jette le cliché par la fenetre et démarre dans la poussiere chaude et hurlante, il file, coupe la nuit en deux. Il file droit en direction de la lune.

Ce soir la lune est belle, pour tous les amoureux de la terre.



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