Hibou

Jean Claude Blanc

             Hibou

 

La nuit vient de tomber, sur les bois de la Roue

La lune un peu voilée, inonde les forêts

A cette heure avancée, y’a plus qu’à se cloitrer

Mais vient nous angoisser, cette espèce d’hibou

C’est un drôle d’oiseau, on ne le voit jamais

Se cache dans les sapins, tellement il est discret

Deux gros yeux globuleux, clignotent sans arrêt

Dis-toi qu’il est en chasse, d’un malheureux gibier

Son « hou ! hou ! », maléfique, résonne dans ma tête

Me rappelle d’un seul coup, les fantômes, et l’enfer

Que l’on me promettait quand j’étais tout petit

Boudant devant ma soupe, sans aucun appétit

Tu parles d’un refrain, une drôle de rengaine

Aux abonnés absents, dort toute la journée

C’est quand t’es fatigué, que lui se la ramène

Pour hanter ton sommeil, tes cauchemars, tourmenter

Seul sur son territoire, veille sur ses intérêts

Les autres volatiles, ils se font oublier

Le fier chat-huant, règne sur la contrée

Sa place toute trouvée, guette l’obscurité

Dans un livre d’images, un jour l’ai déniché

On me parlait de lui, ne le voyais jamais

Petit garçon curieux, faut dire ça m’inquiétait

Voulais connaitre au juste, l’exacte vérité

Résultat décevant, ordinaire emplumé

Un visage poupon, deux billes encastrées

A son bec crochu, on devine le rapace

Avide de ses proies, c’est pourquoi, il jacasse

Plumage bien lissé, de gris, de noir, paré

Sa bouille surmontée, de petites cornettes

Les serres agrippées, de jour comme de nuit

Vermines à sa portée, n’ont qu’à bien se tenir

Il peut rester des heures, sur son arbre perché

Entend tout et voit tout, rien peut lui échapper

Ne bouge ni pieds ni pattes, le corps pelotonné

Ne craint pas la froidure, il est bien rembourré

Son histoire de damné, mérite d’être contée

Les anciens les craignaient, ces oiseaux de malheur

Qui s’en venaient gémir, même jusqu’à point d’heure

Avaient beau la chercher, la bête se défilait

On finissait toujours, enfin, les débusquer

Même qu’on les crucifiait sur les portes de granges

Pour chasser le malheur, du diable se protéger

Les légendes sont tenaces, encore nous dérangent

On dit les beaux trésors, sont bien dissimulés

On a beau farfouiller, on les trouve jamais

Le hibou, vieux grigou, n’en est plus à ça près

Te chante son couplet, tapi dans les fourrées

Moi, j’aime le mystère, ça permet de rêver

Ainsi on se recrée un monde à sa portée

Ton imagination, elle marche sans arrêt

Laisses là divaguer, inspire tes cahiers

On pense que les adultes, croient pas aux fariboles

Du haut de mes 60 ans, ne fais pas le mariole

J’ai encore des gris-gris, qui hantent mon esprit

Je suis superstitieux, t’as qu’à voir mes écrits

Qu’a-t-il de si mauvais, l’oiseau ébouriffé

Ne se montre jamais, vient pas nous déranger

Ses mirettes fascinent, on craint d’être envoûtés

Damnés, hypnotisés, ce qu’on peut être niais…

Tu peux dormir tranquille, faut te laisser bercer

Le hibou est bien fier, de te chanter l’été

Il serine à tue-tête qu’il faut en profiter

La nuit lui appartient, nous apporte la paix

Animal protégé, pas droit de le tuer

D’abord qu’est-ce qu’on ferait, n’est pas bon à manger

Minounet si sensible, t’as l’âme d’un poète

Tu dois les protéger, toutes tes gentilles bêtes

La nature éternelle, continue son manège

Y’en qui se la joue, et d’autres qui se taisent

La belle arlésienne, on ne l’a jamais vue

Demandes à ta maman, tu seras pas déçu

On apprend à l’école, mots qui finissent en X

Caillou, chou, genou, pou, joujou et même hibou

C’est un automatisme, un fameux fourre tout

Hibou est des nocturnes, le plus beau des phénix

Tu apprendras plus tard, succulentes tirades

« Mais où est donc or ni car », les mots et leur salade

Tu rejoindras sans doute, le sage sur sa branche

Pour instruire sa vie, faut retrousser ses manches

JC Blanc        novembre 2012

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