Histoire d'une mite - g

Laure Cassus

suite

Les mains sur une coquillette, il se concentra pour maintenir l'enfilade de pâtes qu'il s'était proposé de ramener à bon port. Il s'apprêtait assez bien à essuyer un échec tout en n'en laissant rien paraître évidemment. Pour sa part la mite avait fini son sirop de tapis et elle accéléra pour rejoindre l'avant de la caravane et l'aider en tractant la première pate.

Ils avançaient de façon erratique sur un tapis d'orient bordeaux et noir. La petite mite se taisait et la mite de tête aussi. Seul le roulis des coquillettes ponctuait leur déplacement.

Au bout d'un quart d'heure de silence radio, la mite leva la tête et aperçût leur fauteuil. Regarde mon chéri ! Le fauteuil !

Il regarda depuis sa position 15 coquillettes plus loin… Le fauteuil était aussi haut que l'empire state et aussi nacré que le krysler palace, mais ce ne serait peut être pas impossible, sa mite avait l'air confiante, en plus c'est elle qui porterait le plus lourd au vu de son gabarit naturel. Décidément ce surnom de Chéri c'était pas sa tasse de thé, il se prit à le détester.  Ce fût le tout début de la germination d'une graine de ressentiment portant à ce moment précis sur l'évolution de son statut de mâle, qui bien que non dominant, n'en restait pas moins aigü et facilement froissable.

Pour l'heure, il en avait plein les bras et les pattes de ces wagonnets et il aurait bien fait un sitting de contestation, mais il savait au fond de lui que les dieux le regardaient ou au moins se repasseraient la vidéo du film de sa vie pour lui attribuer ses points finaux d'accès au niveau de compétition supérieur. Dans une prochaine vie, il aimerait bien être taxi chez les humains ou encore girafe chez les pygmées ou éventuellement en cas de déclassement final, prunier chez les fruitiers, mais toujours mâle. Car chez les insectes on s'épanouissait difficilement avec ce sexe là, alors que chez les pruniers, on était le facteur limitant. Oui très bonne idée de négo ça, le facteur limitant, faudra que je m'en souvienne pour mon grand oral des mites. Devenir le facteur limitant… Cela lui décupla les forces soudainement. De sorte que la caravane prit quelques plis, que la mite se prit une coquillette dans le derrière et que les berceaux s'embouteillèrent les uns au-dessus des autres en une énorme cité de babel jaune et vide de cris.

Hé ! tout doux ! on a tout désorganisé là, dit la mite (il apprécia de former un duo responsable).

C'est vrai, désolé, je vais ralentir le pas, dit-il.

Et ils reprirent leur marche.

Vint le moment tant attendu de l'ascension du pied de fauteuil. Ils arrêtèrent la caravane bien linéaire, le plaisir du travail bien fait les traversa quelque instant puis il rejoint sa compagne en tête de convoi.  Ils s'assirent et levèrent les yeux vers le sommet.

Gloups, fit la mite.

Hum, fit la petite mite. Ecoute, il nous faut un plan, ajouta-t-il. Même deux, un A et un B.

Quoi ? dit –elle. Un A et un B ?

Oui ce sont des lettres de l'alphabet romain, une vieille civilisation disparue mais qui envahit le monde entier de routes, de monuments et de monothéisme, il y a très très longtemps.

Me dis pas que tu veux construire une route maintenant ? dit la mite effayée.

Non non c'est juste une façon de parler, une expression si tu veux (elle faisait oui de la tête car elle voulait bien, cela l'encouragea à continuer). Le plan A c'est quand tu prévois un scenario.

Un quoi ? fit-elle.

Scenario est un mot italien crée par une vieille civilisation descendant de la civilisation romaine et située sur le même territoire, et qui envahit toute la planète elle aussi mais plutôt par des méthodes d'influence psychologiques basées sur le raquet.

Raquet est un mot d'origine anglaise, crée à l'occasion d'un jeu dit de tennis, fondé sur le fair play et la gentleman attitude, emblème d'une culture qui envahit également une immense partie du monde d'antan par la simple conviction de sa supériorité et quelques vêtements blancs appelés chemises, puis plus tard cols blancs.

Très bien, dit elle.

Donc mon plan A ce serait que nous prenions notre envol ensemble pour chaque coquillette et que nous montions le tout par les airs.

Impossible, dit-elle, tu oublie la gravité.

Bon alors plan B, façon rital, on installe notre camp de couveuses au sol, sous le tapis.

Oui c'est mieux, trancha-t-elle et elle ouvrit ses bras pour l'enlacer. Ils roulèrent l'un contre l'autre et dévalèrent les pentes herbacées du tapis en s'imaginant dans un grand champs de fleurs sauvages sous un soleil clair et avec le seul bruit des abeilles au travail pour leur rappeler le privilège d'une existence heureuse.

Bien sûr cette sensation de pente était surtout donnée par la différence de corpulence entre les deux, qui faisait qu'il tombait de haut à chaque tour de mite. Bref, ce fût les montagnes russe pour tous les deux.

Après cette extase sexuelle, culturelle et collaborative, ils firent passer les coquillettes une à une entre les fils du tapis et y placèrent un petit drapeau rayé horizontalement bordeaux et noir, confectionné avec des fils grignotés, de façon à retrouver l'emplacement de leur équipement quand les naissances se présenteraient.

Pour l'heure, ils pouvaient reprendre une vie normale et convoler en juste noces, ce qu'ils firent en s'envolant vers le tissu du fauteuil où les attendait un poêle à bois avec le café chaud et quelques biscuits au citron.

Bon, comme ce dispositif 4 étoiles n'était pas prêt, ils l'imaginèrent et décalèrent leur voyage de noces à une prochaine escapade dans la cuisine. Ils avaient retrouvé leur complicité d'antan et la petite mite fut rassurée, en oubliant presque l'échéance qui ne manquerait pas de revenir. La mite pour sa part avait les hormones au taquet, la tête embrumée et le corps totalement disponible. Cela dura des mois, au calendrier miteux, soit peut être quelques jours, allez soyons  sympa.


  • C drôle tjs j'adore les origines des mots et le style rigolo , plus je les lit plus je me dis que tu devrais demander à patrice des les illustrer en cases ou solo, une sorte de bd pour grand, chai pas ça persiste ce sentiment, pas en faire une bd hien juste une illustraion par texte à la limite, bises

    · Il y a presque 8 ans ·
    P 20140419 154141 1 smalllll2

    Christophe Paris

    • Merci pour l idée. Patrice Baudouin?
      Et sinon y a un concours série je crois en plus... Tu le fais?

      · Il y a presque 8 ans ·
      Laure cassus 012

      Laure Cassus

    • Bah jy pense mais bon c beaucoup de boulot si t pas pris bof bof jaizite !

      · Il y a presque 8 ans ·
      P 20140419 154141 1 smalllll2

      Christophe Paris

  • Cette petite mite mâle ne s'appellerait pas "Robert" ?
    Je me demande si la femme de ménage ne va pas finir par rentrer de vacances…

    · Il y a presque 8 ans ·
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    nyckie-alause

    • oh la ce serait un obstacle en effet ! Robert, tu fais allusion à quelque chose mais je ne vois pas quoi. . à moins que ce soit une allusion au dico, ou encore Robert Redford :) ?

      · Il y a presque 8 ans ·
      Laure cassus 012

      Laure Cassus

    • Juste à sa manière d'expliquer les mots qu'elle ne comprend pas à la grosse mite… Quoi que Redford c'est pas mal aussi !

      · Il y a presque 8 ans ·
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      nyckie-alause

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