Histoire qu'elle souffre

etreinte

Je la déteste, et le mot est faible.
Tellement d'insultes à son égard que je ne sais pas par laquelle commencer. Tout ce que je dirai ne serait qu'euphémisme.
Si je pouvais revenir en arrière, je répondrais autre chose que "Moi aussi" à ses "Je t'aime".
Ou alors je lui ferais croire, et je la plaquerais comme une merde par texto, un jour où elle sera un peu trop heureuse à mon goût, à Noël ou à son anniversaire, histoire qu'elle souffre.
Je lui souhaite le pire.
Qu'elle finisse seule, abandonnée. Qu'elle rate tout ce qu'elle entreprend, que ses proches la plantent. Qu'elle se retrouve à la rue, et qu'elle chiale jusqu'à faire couler tout son maquillage.
Je suis rempli de joie quand je l'imagine se pendre, que ses clopes lui filent un cancer, qu'elle perde ses cheveux et ses dents.
Je veux qu'elle soit déjà décomposée avant même d'être enterrée.
Qu'elle regrette et revienne ramper vers moi. Je veux voir ses yeux quand je l'écraserai, lui dirai d'aller se faire foutre. Je raclerai bien le fond de ma gorge et lui cracherai à la gueule, je veux que ce soit la dernière image qu'elle ait de moi.
Je prie tous les soirs pour que le diable l'emporte.
Quand je vois une étoile filante, je l'imagine se faire agresser en rentrant chez elle, qu'elle soit laissée pour morte après un viol collectif particulièrement violent. Qu'elle soit forcée d'avorter de l'embryon que son bourreau lui aura foutu dans le bide.
Je le souhaite très fort. J'y pense même toute la journée.
Alors le soir quand je rentre seul chez moi, aigri, j'ouvre un cahier et j'écris :


Et si elle n'avait pas dit next,
Mais qu'entre les lignes d'un texte,
Un message clair : s'il te plaît reste,
Elle serait mère, plutôt qu'une ex.


Nouvelle journée.
Même pas encore émergé que je pense déjà à sa petite gueule.
Toutes des putes.
Évidemment je généralise, comme n'importe quel connard ou connasse qui ne digère pas.
Elle arrive à me faire détester toutes les autres femmes de la Terre.
"Un seul être vous manque et tout est dépeuplé". Mon cul. C'est plutôt "Un seul être vous gonfle et vous les envoyez tous chier"
Je suis trop en colère pour penser, même au boulot je suis ailleurs. Mes potes le remarquent et je leur raconte, à ma manière. Je modifie la réalité pour me faire plaindre, passer pour la victime, j'invente des coups de pute qui n'ont pas eu lieu, je déforme des anecdotes conflictuelles en ma faveur, tout pour qu'ils la haïssent tout autant que moi. Et ils le font. Normal, c'est des bons potes. Ils me rassurent. Ils me soutiennent.
Je profite qu'elle ait le dos large pour lui balancer la responsabilité de tout ce qui a merdé dans ma vie. Et tout le monde s'y met. C'est moi qui régale.
Ses oreilles doivent siffler plus qu'une locomotive du siècle dernier.
Tant mieux.
Je la veux sourde, muette, aveugle, paraplégique, orpheline.
Je suis persuadé que son malheur est inversement proportionnel à mon bien être.
Mais le soir quand je rentre seul chez moi, aigri, j'ouvre un cahier et j'écris :


Et si elle n'avait pas dit non,
A notre histoire en prévision,
Mes plans d'avenir en construction,
N'auraient eu qu'elle pour horizon.


J'ai refait ma vie depuis, et elle est encore mieux qu'avant.
Je sors quand je veux, et surtout je baise QUI je veux. Et ça défile.
Quasiment chaque semaine je ramène un nouveau plan, sans lendemain. Je me dis que je n'avais pas envie de me ranger de toute façon. Mes potes pensent que je profite des joies du célibat.
Mais je leur mens, aussi fort qu'à moi même.
Plus je fais l'amour, plus je ressens de la haine. Plus il y a de filles différentes, plus je me sens seul. Comme si je buvais une eau qui au lieu de me désaltérer m'assoiffait encore plus.
Je pense à elle quand je couche à gauche et à droite. J'ai envie qu'elle me voit, qu'elle pense que ma vie est un rêve depuis qu'elle n'est plus là, que je n'avais pas besoin d'elle, jamais.
Je veux qu'elle soit témoin de ce sourire qui orne mon visage quand je jouis dans la bouche d'une meuf dont je ne connais même pas le prénom, mais pas de ce qu'il cache.
Qu'elle associe mes cris à ceux du plaisir orgasmique et pas à ceux de la terreur, du manque, de la douleur quand je me suicide avec les éclats brisés de mes rêves, bien à l'abri derrière une fierté solide comme une forteresse.
Je la déteste, et le mot est faible, pour avoir déménagé alors qu'elle habite toujours dans ma tête. Pour avoir pris soin de récupérer ses affaires dans une valise mais de laisser les plus importants dans ma mémoire.
Je me casse les phalanges contre les murs de mon appartement en espérant que la douleur physique atténuera la douleur mentale et me permettra de mieux retenir mes larmes, mais je n'y arrive pas.
Alors le soir quand je rentre seul chez moi, aigri, j'ouvre un cahier et j'écris :


Et si elle n'était pas partie,
Aussi violente qu'un coup de fusil,
Je n'aurais pas passé ma vie,
A faire semblant qu'elle soit remplie.

  • quelle sincérité ! je vous conseille si vous voulez lire un homme aussi sincère que vous dans sa démarche de Lire le dernier Yann Moix, une simple lettre d'amour -- c'est de la bombe ... je vous plains car je ne déteste jamais quelqu'un que j'ai aimé vraiment, je crois que je l'aime pour toujours ...

    · Il y a environ 9 ans ·
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    Marie Guzman

    • Merci du conseil, j'y jetterai un œil à l'occasion.
      Et rassurez vous, c'est un personnage qui est décrit ici, ça n'engage pas forcément ce que je vis ou ai vécu, ça engage aussi ce que beaucoup de gens peuvent vivre, de ce que j'ai pu voir ou entendre.

      · Il y a environ 9 ans ·
      Trertrert

      etreinte

  • Dureté des mots, aiguisés au couteau
    Pour faire se tailler les maux
    De l'amour, ce fardeau...

    · Il y a environ 9 ans ·
    Img 0483

    mark-olantern

  • ça fait du bien de tout déverser sur un cahier ! quel texte !

    · Il y a environ 9 ans ·
    Louve blanche

    Louve

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