Histoire vraie.

J'étais tranquille, peinard dans ma voiture avec ma femme ! Un peu trop tranquille peut-être, un peu trop peinard, assurément, car je n'ai pas vu le stop ! Enfin, si je l'ai vu, mais du coin de l'œil, en le brûlant. Trop tard il était derrière moi. En face, par contre, une voiture de police prenait le virage en roulant assez vite, je me serrais au maximum sur la droite, il n'aurait plus manqué que je la percute en la croisant. Un regard dans le rétro. Merde ! Ils freinent. Merde ! Ils font demi-tour. Bon, je continue ma route en respectant la limitation d'escargot de 8 km/h pour ne pas être accusé de délit de fuite. Dans le rétro, les flics m'ont pris en chasse, il me colle au train. Je n'ai aucune chance de leur échapper en deuxième, je suis cuit. Coup de sirène. Je me gare sur la droite.

Deux flics descendent de leur voiture, un grand sec et un petit, mais pas gros pour autant, je descends aussi en écartant les bras pour m'auto-crucifier et montrer que je ne suis pas armé.

-         Désolé, je n'ai pas vu le stop ! Avec un grand sourire de composition de compensation.

-         Remontez dans la voiture, monsieur ! « c'est le grand qui parle. »

Bon, je remonte, que faire d'autre ? Un numéro de claquette ? Je ne suis pas sûr que cela le fasse et je ne suis pas Fred Astaire, non plus.

-         Papier du véhicule, permis ! « C'est toujours le grand, le petit ne dit rien, il sourit, cela doit l'amuser ou j'ai une tête qui l'amuse, je n'sais pas. »

Ils repartent tous les deux dans leur voiture pour vérifier, sans doute,  s'il me reste encore des points de bonne conduite et finir leur partie de cartes. Ils reviennent déjà.

Je sors une nouvelle fois et me dirige vers eux, pour m'excuser et pour fayoter aussi. Le grand ne me dit pas de remonter. Ouf ! Il doit me rester quelques points de côté et il a dû gagner la partie. Je recommence.

-         Excusez-moi, je l'ai pas vu et vous arriviez vite, je me suis serré…

-         Ça va encore être de la faute de la police ! « Le grand. »

-         Non ! Non, pas du tout ! Je ne disais pas cela pour ça ! « Moi. »

-         Cela fait longtemps que vous conduisez pourtant. « Le grand. »

-         Oui ! mais je n'ai pas fait attention… « Moi, bien-sûr. »

-         C'est justement, ce que l'on vous reproche, monsieur, vous ne faites pas attention et quand on ne fait pas attention, on est dangereux pour soi et pour les autres aussi. Il y a des bus qui descendent par là. « lui, bien-sûr. »

C'était parti pour la leçon de morale. C'est bon signe. Généralement quand ils nous infligent leurs sermons moralisacons à la con, c'est que c'est gagné. Donc j'acquiesçais patiemment à toutes les remontrances.

-         Et des cars scolaires passent également. Imaginez que par votre négligence, un car bascule avec une cargaison pleine de gosses de huit ans.

-         Ou cinq, même. « C'est le petit cool qui rigole tout le temps. »

-         Quoi ? Qu'est-ce que dit ? Cinq bus ? « le grand, qui ne rigole pas du tout et encore moins tout le temps. »

-         Non ! Cinq ans les gosses !

-         Ah ! Ok ! Si tu veux. Vous imaginez monsieur, ces gosses innocents, leurs corps écrasés, mutilés, enchevêtrés, emmêlés les uns dans les autres en bouillabaisse, au point ou seul les parents, et encore, réussiront à les identifier.

-         T'en fait beaucoup, là, non ? « c'est le petit qui ne rigole plus, il a un gosse de cinq ans, lui. »

-         Bien-sûr que non, c'est déjà arrivé, ça arrive souvent,  ça arrive tout le temps. « Le grand, une fois qu'il est lancé, celui-là, on ne peut plus l'arrêter. Il doit être champion du lancer-jeter, emballé c'est pesé, dragué, c'est baisé. »

-         Bon, alors reprends tes gosses de huit ans, s'il te plait ! « Toujours le petit avec son  problème d'âge pour les mômes. »

-         Vous vous rendez compte, monsieur, vous avez frôlé la catastrophe.

-         Je suis désolé, je ne…

-         Bon, allez, ça va aller, pour cette fois, mais… « Toujours le grand, ce doit être le chef et l'autre le sous-chef. »

-         Non ! Non ! Ça ne va pas du tout pour moi, je veux que vous me retiriez quatre points, plus l'amende. Je ne veux pas être responsable de tous ces corps de gosses bouillabaisses et ces parents pulvérisés à prévenir.

-         Puisqu'on vous dit que c'est bon…

-         Non ! j'insiste ! Faites votre devoir, messieurs, verbalisez-moi !

-         Bon, ok, mais c'est bien pour vous faire plaisir.

-         Merci ! Je préfère ça… ça m'arrange…

Ils m'alignent consciencieusement, comme je le souhaitais. En partant le petit qui avait une boucle d'oreille à l'oreille et non dans le nez, sort un calumet de la paix de sa poche et me demande si je veux tirer une taffe de réconfort.

-         Non ! Merci, jamais devant mon épouse, elle n'aime pas ça. Elle est assez stricte là-dessus. L'exemple à donner devant les enfants, vous comprenez…

-         Mais, il n'y a pas d'enfants ? « Le petit, déconfit »

-         Oui ! Mais quand même. « Moi, contrit. » et ceux du car ?

-         Ben, ils sont tous morts, non ? « Le petit, marri. »

-         Peut-être pas tous ! «  Moi, espéri sancti. »

Ils me serrent la main avant le salut militaire pour retourner à leur dur métier de gardiens de la paix et protecteurs des bambins caremboulés.

Cette histoire m'est réellement arrivée, mais comme dans la vraie vie, je suis un vrai pourri. J'ai accepté la clémence des policiers et, je vis depuis avec tous mes points d'honneur, mais avec la culpabilité d'avoir pu, éventuellement, au cas où, conséquemment, causer la mort par concassage d'une trentaine de gosses de cinq ans… « De huit ans, c'est encore le petit. »