Homo immaturus

Cette semaine, j'ai eu la chance d'observer une espèce rarement approchée par un adulte : l'adolescent.

Cet animal peu grégaire avec tout individu appelé père est généralement tapi dans son abri dénommé chambre. Pour éviter toute intrusion sur son territoire, il le marque à l'aide de ses glandes sudoripares. Il prend le plus grand soin à ne pas passer plus de dix minutes hebdomadaires sous la douche. Il suffit de quelques jours pour que son espace de vie soit définitivement une zone inapprochable, au risque d'attraper l'Escherichia coli ou la salmonellose. S'agissant de ses sous-vêtements qu'il laisse traîner au milieu de sa piaule, les anthropologues supposent qu'il s'agirait d'une sorte de fétichisme rétrograde lui rappelant ses jeunes années où il en tenait des couches.

La littérature scientifique laisse également à penser qu'il se regrouperait avec ses acolytes en troupeau. Pour éviter leurs prédateurs naturels, les vieux, ils privilégieraient des lieux de rassemblement où ils peuvent s'adonner à des rites tribaux qui varieraient régulièrement. Selon les périodes, on a pu constater que leur accoutrement évolue. Au fil du temps, ils ont été dénommés dandys, zazous ou punks. Il s'agit d'un des marqueurs les plus importants de l'Homo immaturus : casser les codes et refaire le monde.

Si on a pu observer des individus sur l'ensemble de la planète, il apparaît toutefois que des lieux fassent office de repoussoirs, tels que les bibliothèques ou les musées. Toute tentative pour les adapter à ces environnements est restée à ce jour un échec. En prévision d'un conflit intergénérationnel, des panic rooms y ont d'ailleurs été installées.

Par l'analyse de ses déjections, il a été prouvé que son régime alimentaire est essentiellement composé de frites et de friandises. Cela expliquerait son visage grêlé mais qui n'est a priori pas un point noir pour son épanouissement personnel. Ce dernier est communément défini sous le terme de crise de puberté. On a pu le surprendre avachi, la bave coulant des lèvres et l'œil hagard ou enroulé sur sa couche. Il s'agirait de signes de son bien-être.

Quant à son mode de reproduction, il reste une des énigmes les plus épaisses de la nature, les meilleurs des cryptozoologues n'ayant pu à ce jour en percer le mystère, même en captivité. Il semblerait toutefois que des activités telles que les jeux vidéo ou les blagues potaches soient des obstacles aux effusions entre les deux sexes. Il apparaîtrait également que depuis quelques années, des mutations génétiques se soient produites, entraînant une asexuation de l'espèce voire une inversion des genres. Certaines thèses ont évoqué l'hermaphrodisme, plus connu chez l'adolescent sous l'appellation d'onanisme.

De nombreuses études ont été menées pour entrer en relation avec lui. On peut saluer les travaux établis par les éminents Squezzie, Mac Fly et Carlito. Par le biais de canaux tels que les réseaux sociaux, il a pu être établi que les principales caractéristiques de communication de notre animal sont un langage qui ne dépasserait pas plus de cinquante mots. Mais, il n'en utiliserait guère que la moitié, ce qui serait amplement suffisant à se faire comprendre de ses congénères. Les linguistes les plus éminents font le parallèle avec celui de l'Homme de Néandertal, aucun lien n'ayant pu être établi avec l'indo-européen, le basque voire le navajo. Principalement monosyllabique, son vocabulaire servirait essentiellement à satisfaire ses besoins primaires. À titre d'exemple, nous pouvons retenir : seum, askip, djomb ou yomb.

Enfin, depuis quelques années, il semblerait que le fossé communément établi entre le monde des éphèbes et des personnes majeures se transforme en véritable guerre des civilisations. Les principaux points de ruptures reposent sur le rapport à la nature et à la cause animale regroupés sous le terme générique d'écologie.