Célibataire CSP+ - Hôtel du nord
Alain Kotsov
C’était mon sixième séjour à Paris. Je gardais un merveilleux souvenir du premier, quand j’étais étudiant. Comme beaucoup d’Américains, je visitais l’Europe au pas de course. Je logeais au quartier latin, avec une dizaine de jeunes, chevelus et guitaristes comme moi. Quand je revins à Paris, dix ans plus tard, la ville n’avait pas trop changé ; moi oui ! Le vagabond indolent s’était mué en trentenaire cravaté. Les réunions avec les responsables de la filiale ne me permettaient rien de plus qu’une soirée au Moulin Rouge, une ascension de la Butte avec des cadres blasés, une promenade guindée sur les Champs. Le reste du temps se passait dans un bureau à la Défense, où je profitais de chaque pause pour contempler la vue sur la belle cité, si proche, et pourtant si lointaine.
Il en alla autrement cette fois : dès mon arrivée à l’auberge Flora, on m’informa que le big boss était malade ; les réunions furent annulées. Je disposais de deux jours libres. Alors je partis en ballade ; au hasard. En longeant le canal Saint-Martin, je découvris une ville ignorée, loin des monuments, des touristes. Là battait le cœur de Paris !
Mes pas me menèrent près d’un vieil hôtel qui éveilla en moi un ancien souvenir en noir et blanc. Je montai les marches du pont métallique. Face à moi une fille discutait d’une voix forte et gouailleuse avec un grand bonhomme. Une vraie parisienne ! Tout me revint en mémoire et je ne pus m’empêcher de lui dire : « Toi, t’as vraiment une gueule d’atmosphère ! »