I just called to say I love you

citronrk

SYNOPSIS

Une dame d'un certain âge, essayant de surmonter une éducation sentimentale ratée, rencontre un homme libéré, épris avant tout de liberté et prêt à se saborder pour affirmer qu'il est unique et vivant. Le besoin de réassurance de l'une est en totale contradiction avec le besoin d'affirmation de l'autre.

Tous les deux sont le  résultat d'un mélange culturel, ont vadrouillé un peu dans toute la planète et aspirent à une perpétuelle découverte d'eux-mêmes, des autres et d'autre chose qu'ils appellent tantôt le cosmos, tantôt la nature, tantôt le divin. Tous les deux sont revenus du mythe classique du: ils se sont rencontrés, ils se sont aimés,  vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants. Tous deux travaillent dans une relation d'aide aux autres. Tous les deux ont souffert de ruptures cruelles. Tous deux ont été adulés dans leur famille.

Leurs peurs toutefois ne coïncident pas. Elle a avant tout peur de ne pas être aimée car elle se sentirait avilie et abandonnée et lui redoute surtout de l'être car il se sentirait emprisonné. 

Le début du livre présente les personnages et campent leurs postures dans des anecdotes au quotidien.

Les chapitres développeront les étapes de leur relation avec ses bonheurs et ses ratages jusqu'à l'aboutissement final: ils acceptent enfin leurs différences car ils se retrouvent dans un projet commun: un tour du monde qui n'est qu'un prétexte à leur évolution personnelle et de couple.

Les quatre grands chapitres montreront leur perception d'eux-mêmes au travers du regard de la culture du pays qu'ils traverseront.

Ils découvriront au Maroc la culture arabe et le regard de l'Orient sur la place de la femme dans le couple et dans la société.

Ils iront ensuite en Inde et feront le chemin vers le silence du mental pour accéder à l'être.

Aux USA, ils retomberont dans l'enfer de la compétition et des défis à relever.

En Australie, ils connaîtront l'aboutissement de leur quête, l'apaisement de l'harmonie avec eux-mêmes, avec leur compagnon et avec leur entourage naturel et humain.

Ils n'eurent pas d'enfant. Ils accouchèrent d'eux-mêmes et apprirent ainsi à mieux accompagner les autres, les emmenant aussi loin qu'ils avaient été eux-mêmes, chacun à sa manière.

Début du roman

Aimer est une entreprise à haut risque. j'avais presque réussi à l'éviter ces dernières années. Mais là, la tuile, le tsunami. J'ai rencontré Marc. Marc ne plaisante pas avec la vérité: il la veut toute nue, sans fioritures, cash comme on dit maintenant. Avant, on aurait dit rude, mais passons.

Cela dit, cela dépend. il y a des circonstances où il aime bien que je lui rappelle à quel point il est parfait et que je l'aime comme il est. Par exemple, quand il me demande en homme ouvert à la perfection:

- comment veux tu que je te caresse les seins pour que ce soit mieux?

je réponds naturellement que ce qu'il fait est parfait et qu'il ne faut surtout rien changer.

Pour revenir à ce que je disais, il veut la vérité toute nue. Exemple, un jour que nous nous promenions, je montais sur une rampe, comme le font souvent les enfants pour se sentir plus grands. Eh bien oui, là, j'étais à sa hauteur, physiquement bien sûr. Et, il se mit à tirer sur ma main en me  traînant à un rythme insoutenable pour moi. Je sautai à terre. Il monta à son tour sur la rampe:

- Tu vois, j'y suis.

Je répondis dépitée:

- Je m'en fiche !

Il me reprit:

- Tu t'en fiches ou ça ne te fait  rien?

Je rectifiai aussitôt:

- Ca ne me fait rien.

Pareil, un soir où il posait des petits baisers tendres sur mon visage, je lui dis en souriant: 

- Que de baisers aujourd'hui!

Il s'arrêta interrogatif:

- Aujourd'hui?

Je rectifiai:

- Ce soir!

Et nous reprîmes où nous en étions restés, à mon soulagement.

Il paraît un tantinet pinailleur comme ça, mais à sa décharge, il pratique lui-même ce qu'il exige de l'autre.

Ainsi, il ne dit pas :

- Désolé, je n'ai pas pu t'appeler pour le Nouvel an.

Il préfère:

- Je suis sûr que tu as passé de très bonnes fêtes en famille.

Ou quand il est occupé et qu'on ne peut pas se voir pendant quelques jours, il me dit:

- Avec le dossier que t'as pris pour les USA, tu auras besoin d'être tranquille. Ne t'inquiète pas pour moi, je gère.

Ou s'il regarde un DVD que je n'aime pas, il attend la fin pour me dire:

- Qu'est-ce que tu faisais sur le balcon?

Quand il disparaît sans rien dire, et que je  le retrouve enfin, il dit d'un ton détaché:

- Il y a du vent aujourd'hui.

Le pire qu'il ait fait, je crois, était de demander à une serveuse marocaine noire quelles étaient ses origines. Et comme elle lui disait:

- je suis marocaine,

il insista:

- Mais vous avez la peau foncée.

Vous allez croire que je le casse, en fait pas du tout. parce qu'il a tellement de qualités, qu'il me rend tellement heureuse - y compris quand il me touche - que cela me fait juste sourire.

Je dois dire que pour la première fois, je regardais mes photos de vacances avec tendresse. D'habitude, je les écrase parce que je ne me reconnais pas, qu'elles sont moches, etc. Mais là, je trouvais bien nos rondeurs, nos expressions hésitantes et radieuses. Non, j'exalte nos faiblesses et tout d'un coup, j'accepte toutes nos imperfections, je les veux.

Je plaisante, je plaisante, mais quand même, Marc a toujours le mot juste et attends de moi que j'en fasse autant. Quand je lui dis que je l'aime, il rectifie:

- Non, tu aimes ce que tu ressens  avec moi.

Alors maintenant, quand on fait l'amour, je ne dis plus:

- Je t'aime, je t'aime, je t'aime, je t'adooooore...

j'ai corrigé mon texte, je crie maintenant:

- je ne t'aime, je ne t'aime pas, je ne t'aime pas, je te déteeeeeeste...

Il aime bien me faire la leçon pour me former, c'est mon coach.

Si je lui dis:

- que dirais-tu si je portais une djellabah pour la soirée orientale?

Il répond:

- Tu t'habilles pour toi, pas pour les autres, fais ce qui te fait plaisir.

J'ai mis ma djellabah. Il me regarda attentivement, ajusta la robe sur moi et ajouta:

- Sans la ceinture.

Je l'enlevai aussitôt.

Le soir, comme nous rentrions de la soirée, il me demanda:

- quelle route prenons-nous? Bord de mer ou centre?

Je répondis:

- Comme tu veux, Marc.

Il me reprit:

- Quand je te pose une question, c'est pour que tu fasses un choix, et non pour me renvoyer la question. Tu sais bien que tu aimes le bord de mer. Alors, quelle route prenons-nous?

- Bord de mer, Marc.

Il me sourit.

Et nous sommes passés devant un magnifique endroit, il releva:

- Café del Mar, joli!

Je dis:

- Non.

Il répéta avec étonnement:

- Non?

- J'avais juste envie de dire NON.

- OK. 

Là aussi, j'appréciais sa sérénité et sa capacité à accepter l'absurde comme une chose naturelle. Je le soupçonne même de se méfier de ce qui est normal.

Je reconnais que j'étais agaçante à lui répéter en boucle, nuit et jour, à propos et hors de propos, comme un mantra, ma phrase préférée:

- je t'aime, je t'aime, je t'aime, je t'adore, etc..

C'est vrai que ça faisait louche ce besoin de le dire sans cesse. Je crois que j'essayais de le convaincre juste pour me rassurer. Mais bon, j'ai compris à quel point ça peut devenir agaçant à la longue. Maintenant, je le dis seulement dans ma tête. Quand nous sortons ensemble, le soir et que je le prends par le bras - on ne se tient pas par la main, il n'aime pas-, je me dis dans ma tête, sans y faire attention: je  t'aime, je t'adore, je suis folle de toi.

Heureusement, il ne m'entend pas puisque je le dis dans ma tête. J'espère qu'un jour, cela ne m'échappera plus.

Je m'amuse tellement avec lui. Un jour, il décida qu'il était aveugle et que je serais son guide dans le dédale d'escaliers et de labyrinthe qui nous ramenaient à l'hôtel. Juste pour vérifier que je connaissais enfin la route. Il attacha mon foulard sur ses yeux et posa sa main sur ma nuque et je lui disais: 

- Escalier: une Marche, 2, 3, 4... fin d'escalier. Attention, ralentis, c'est bon.

Il joua le jeu toute la route et nous avons bien ri sous le regard surpris des passants.

Comme c'est paradoxal! Il se comporte comme s'il n'y avait personne autour de nous. C'est comme ça que le premier jour, il descendit dans le hall de l'hôtel pieds nus et poursuivit sa route dans ce même état sur l'asphalte brûlant et sale allant vers la mer. Mais en même temps, il nous interdisait la moindre caresse, si pudique fut-elle, en public. Par exemple, lui caresser la main, mettre ma main sur son épaule, non, c'était gênant. Son code de bonne conduite nous l'interdisait.

Mais bon, il serait temps que je vous dise comment nous nous étions rencontrés et ensuite quelle fut notre histoire. Un peu de patience, vous saurez tout. Et ce que je ne vous dirai pas, vous le devinerez.

Voilà, nous nous sommes rencontrés sur internet, car nous travaillions tous les deux dans le monde du bien-être. Nous étions en quête d'un souffle nouveau, d'expériences. 


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