I love you to the bones...

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C'est tellement facile….de rechuter. De se laisser glisser.

D'arrêter de manger.

 

Oui, c'est tellement facile de retomber dans le trou noir, d'où l'on n'aperçoit ni lune, ni soleil. Il suffit d'un rien. Comme il a suffit d'un rien, à l'époque. Un tout petit rien, quelque chose d'invisible, d'insignifiant, qui va alors tout faire basculer.

 

On diminue, on trie, on évite. On dompte cette sensation, cette faim qui finit par s'atténuer elle aussi. C'est presque imperceptible. On oublie peu à peu de manger. Oui, parfois, le ventre gronde et exige. Mais voilà, l'esprit le remet à sa place.

 

Au fond, je ne sais pas si je veux perdre du poids ou simplement me retrouver dans cet état où les émotions disparaissent, ou plus rien n'a d'importance. Quand on ne mange plus, ce doux état s'installe et prospère. Et je me mets tellement la pression, pour un oui, pour un non, habituellement, je suis une boule de nerfs. Là, je hausse simplement les épaules. Je suis désinvolte, tendance nonchalante. J'effleure le monde autour de moi. Je ne marche pas, non, je vole au-dessus du sol. J'ai si souvent marché sur des œufs… et mes mots, des chuchotements.

 

Je crois que je me suis laissée glisser à cause des tracas qui s'accumulaient tout autour de moi. Je n'y voyais plus rien tant il y en avait. Alors j'ai arrêté de me nourrir. Je me suis dis que j'allais me laisser mourir comme ça. Comme avant… On essaie de me raisonner. Tu es intelligente, non ? Tu veux vraiment retomber là-dedans ? Mais t'as pas besoin de maigrir, regarde-toi ! Si tu continues, tu t'en vas ! Si c'était si simple… si tout était aussi simple que de se faire cuire des pâtes, ajouter un peu de beurre ou de bolognaise, et tout avaler. Je sais que le contrôle que je crois exercer est une illusion. Car en fait je ne contrôle rien. Je suis paralysée devant un yaourt nature. Le frigo ne se vide pas plus que les placards. J'ai peur de re-manger. C'est con, oui, c'est con.

 

Moins cinq kilos en sept ou huit jours, ce n'est pas grand-chose. Quand j'étais malade, je pesais douze kilos de moins qu'aujourd'hui. Je suis actuellement à la limite du cher indice de masse corporelle (IMC).

Pile entre le stade de maigreur et le stade de poids idéal. Et c'est le vice. La sournoiserie. Que de se dire, oh, aller, encore un kilo. Et encore un. Et oublier de s'arrêter... Peut-être que je suis juste fatiguée. Peut-être que je veux réellement retourner dans une clinique pour m'y laisser crever. Ou avoir un but à tenir, maigrir à perdre haleine. J'en sais rien. Peut-être que je veux qu'on s'inquiète pour moi. Moi qui dois être forte, encore, toujours. Pas le droit d'aller mal. Plus le droit, dirons-nous… Les amis samedi l'on remarqué, et si, si, j'ai vraiment été étonnée. T'as vachement maigri. Mais non j'ai pas « vachement » maigri. Mais au fond, tout au fond, y'avait un putain de sourire en moi, quand on m'a dit ça.

Un putain de sourire, je vous jure.

 

Bon, je me suis fixée une limite. Ça fait rire les connaisseurs : parce que tu crois que ça va te suffire, parce que tu crois que tu vas t'arrêter là ?

Mordicus, je dis que oui. Je ne veux pas non plus rechuter, même si je rechute déjà. C'est compliqué à expliquer. Peut-être même que ça ne s'explique pas du tout. Je ne sais pas.

 

Certaines l'appellent Ana. J'ai toujours détesté ce concept. Je ne l'appelle pas. Si je l'appelle, ça va devenir réel. Et pour l'instant, le déni, ça me convient très bien.

 

-          T'as mangé quoi, d'ailleurs, aujourd'hui ?

-          Heu…

-          Alors ?

-          Je crois que j'ai rien mangé. Je ne me souviens plus.

-         Putain mais réagis, merde !

 

J'essaie de me rappeler mes onze années de troubles du comportement alimentaire, mais je n'y arrive pas.

Les retrouver, c'est comme si… comme s'il n'étaient jamais partis.

C'est comme retrouver un vieil ami, une vieille connaissance.

 

Oui. Elles ont raison.

Mais ce n'est pas moi qui suis allée vers elle.


C'est Ana qui m'a retrouvée.


  • j'ai pas les mots, je le trouve tellement magnifique

    · Il y a presque 6 ans ·
    Peinture blanche rouge jaune faite ensemble de libellule 39990880

    James Miller

  • Ana. J'ai vu ce nom un jour, sur une page internet stupide. et pourtant tout à commencé là.
    Ana

    · Il y a environ 6 ans ·
    Sticker mural papillon bleu noir

    Lev Hamels

  • merci beaucoup pour ce texte tellement sincère. "j'effleure le monde autour de moi", la phrase coup de cœur, magique. je la ressens vraiment, je ne fais pas que la lire, je la ressens, je la comprends au-delà des facultés rationnelles, je la sens qui gronde dans mon ventre et dans mon cœur. bravo et merci merci merci

    · Il y a plus de 6 ans ·
    Img 20170126 213059 325 1

    nawel-

    • merci, merci, merci à vous :)

      · Il y a plus de 6 ans ·
      Zt245dd

      redstars

  • No comment sur l’anorexie, mais ton texte est fort. Tu écris bien, tu écris vrai, sert-en. Je te souhaite le meilleur.

    · Il y a presque 7 ans ·
    Photo rv livre

    Hervé Lénervé

    • Merci beaucoup

      · Il y a presque 7 ans ·
      Zt245dd

      redstars


  • Ton texte est très émouvant...Un témoignage fort qui interpelle ceux qui comme moi ne connaissent pas bien les problèmes d'anorexie.
    Je ne sais trop que te dire ...Ecris encore et toujours...
    Ne reste pas seule, appelle au secours.

    · Il y a presque 7 ans ·
    Oeil

    anne-onyme

    • Merci, je pense que je vais faire ça avant de trop chuter. Merci pour ton passage :)

      · Il y a presque 7 ans ·
      Zt245dd

      redstars

    • Bonne soirée à toi.

      · Il y a presque 7 ans ·
      Oeil

      anne-onyme

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