Dynamite

Jean François Joubert

sans titre

Ce matin-là, la lune était bizarre. Elle descendait vers la Terre comme si plus rien ne la retenait tout en haut. Un gros ballon qui promettait de faire un trou d'enfer, si personne ne réagissait, mais que pouvions-nous faire ?


Lacs, cratères. Tout illuminée, elle descendait vers le tropique du cancer. Le monde en alerte attendait le soleil, mais lui il avait une envie d'être discret. Pourtant, aucun nuage ne le chassait à l'ouest, et les dieux semblaient devenus fous. Ou alors ils manifestaient leur besoin de vacances. Un joli spectacle, cependant...


Toutes les nations étaient prévenues, et les téléphones rouges saturaient : de Russie, de Chine, ou des Etats-Unis. Le nucléaire était annoncé, sinon notre planète allait trembler. Personne n'avait pensé à ce désastre, que la lune, fatiguée de tourner, abandonnerait son orbite pour devenir une nouvelle dynamite. Combien allait mourir ?


Les enfants se réveillaient. Un samedi comme les autres : ils n'avaient pas classe, aujourd'hui, Unis sur toute la Terre, les petits voulaient jouer, tandis que nous, responsables de nos actes, avions le fond du pantalon mouillé. Plus besoin de s'inventer des histoires de spationautes : la grande Histoire s'inscrivait en lettres capitales. La lune tombait. Elle avait quitté son orbite et, depuis, son ombre laissait une nuit noire sur la moitié de la planète. Le soleil, tant attendu, avait choisi de se lever à l'est : il tournait à l'envers. Les scientifiques perdaient leurs repères. Les anguilles, elles, partaient se reproduire selon leurs habitudes, sans peur, ni reproches.


L'humain, si savant, ne comprenait plus rien... Les fauves, eux, cherchaient à se nourrir, se moquant de ce vent de sable qui levait le désert. La conscience d'être à l'âge de pierre, ou de Paul. Nos satellites pouvaient tout prévoir : une averse au Pôle nord, ses espions n'arrêtaient pas de nous épier, et le commun des mortels était fiché. La liberté n'était qu'une notion abstraite, puisque la puce de votre carte bancaire, votre portable, vous identifiait. La radio, la télévision, Internet, diffusaient l'information, et le cours des entreprises d'assurance chutait au rythme de cette pleine lune qui refusait de poursuivre sa route. Les vieux, si habitués à la voir docile, se mettaient à prier. La peur envahissait la planète, car quelque chose ne tournait vraiment plus rond. Et les hommes commençaient à comprendre que, au fond, ils ne sont qu'illusion. Une race dominatrice sur une planète de seconde, dans une galaxie à un seul soleil. Quant à l'eau, la mer. Elle, elle semblait attirée par la côte atlantique sud. Déjà des villes entières se noyaient. Heureusement qu'il y avait des bébés nageurs, car la terre, de ce côté-là de la planète, devenait une piscine. Les ponts s'écroulaient sous le flux de la marée, cent-vingt maximum qu'ils disaient... encore une bêtise.


Le monde était touché dans son fond de certitude, et les nations se rapprochaient par présidents interposés pour trouver la solution. L'arme nucléaire, la destruction d'un symbole et la peur de perdre jusqu'à sa première certitude. Ou une solution miracle proposée à la dernière minute. Devait-on tuer la Lune, lui envoyer une charge, à l'épicentre, et en faire une étoile filante...

Elle tombait si vite que mon chat ne dormait plus. Je l'observais, et il chassait ses mauvaises pensées. Ce jour était peut-être le dernier, et les oiseaux criaient. Je comprenais que les animaux se sentaient innocents. Ce n'était pas eux qui lançaient des défis au cosmos, si fiers d'être l'essence de l'existence. Les vers ne dormaient plus, les chiens étaient aux abois, et les armées cherchaient l'ultime solution : une ou deux fusées devraient la calmer. Comment la renvoyer sur orbite ?

L'hélium. Gonfler des ballons de ce gaz si léger, et l'accrocher à la Lune. Les Chinois tissèrent une enveloppe, les Russes donnèrent leur gaz, les Américains affrétèrent une navette, et ils partirent dans l'espace. La mission, aussi périlleuse soit-elle, ne fut pas longue. Un petit tour en dehors de la stratosphère, gonfler le ballon, l'amarrer solidement, et la voilà renvoyée sur son orbite. Pas le temps de calculer précisément, la position de chacun. La nuit, laissa place au soleil, et les enfants savaient bien, au fond d'eux, que tout était donc à refaire.

  • Les Chinois tissèrent une enveloppe, les Russes donnèrent leur gaz, les Américains affrétèrent une navette... joli compromis...

    · Il y a plus de 9 ans ·
    Philippe effect betty

    effect

    • et les français ne firent rien car "impossible' n'est pas français," merci :)

      · Il y a plus de 9 ans ·
      Wp 20141128 004

      Jean François Joubert

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