"Intérieur"
mademoiselle-the
Elle me fascine. Elle me captive, m'envoûte, et m'ensorcelle. Quand je la vois, j'oublie tout : ma vie, mes soucis, j'en oublierais jusqu'à mon nom... par quel mystère m'hypnotise-t-elle de cette façon ? Lorsque je suis fébrile, les nerfs un peu trop à vifs, elle m'apaise. Le monde autour devient flou, les choses n'ont plus d'importance. C'est son pouvoir sur moi. Ne reste que notre tête à tête, parfois furtif, parfois prolongé.
Je venais de commencer mon nouveau job, dans un "lieu de création" rempli d'ateliers d'artistes, aux univers pluriels et singuliers. C'est au détour du couloir, que je l'ai aperçue. De la porte entrouverte de l'atelier, des particules de térébenthine s'échappaient, sur fond sonore de brossage régulier. C'est la manière de peindre de Denis : mouvements réguliers, répétitifs, presque automatiques... obsessionnels, dirait-il. La brosse va de gauche à droite, de droite à gauche. Ssh... ssh... De petites molécules de térébenthine, mêlées aux pigments colorés, se détachent mollement du pinceau, flottent nonchalamment à travers l'atelier, et se répandent progressivement dans le couloir, tandis que le peintre est là, imperturbable. Ssh... ssh...
C'est dans cet atelier que j'ai été subjuguée la première fois, et toutes les autres fois où j'ai eu la chance de la voir. Elle pose là, debout, silencieuse, à nu, près de la fenêtre où la lumière douce du matin vient caresser sa beauté. La première fois, je ne m'y attendais pas. J'en ai eu le souffle coupé. Un frisson délicieusement vertigineux a traversé mon corps, tandis que je ne pouvais détacher mon regard, indiscret. Elle me fait vibrer, littéralement, de la tête aux pieds. Fascinée par elle, les mots de Denis ne me parviennent à chaque fois qu'en un écho lointain... et il me faut faire un effort surhumain pour reprendre pied, revenir à la réalité, et oublier que je n'ai qu'une envie : tendre la main pour la toucher, la sentir sous mes doigts, m'imprégner de son aura...
Chaque fois que je passe dans ce couloir, je guette la porte de cet atelier, espérant qu'elle soit entrouverte. Si elle l'est, c'est que Denis y est. Alors je frémis : et elle ? Est-elle là, aujourd'hui ? Mon cœur se serre, mon pouls s'accélère, le temps de parcourir les quelques pas qui me séparent de cette petite capsule spatio-temporelle coupée de la réalité commune. Ssh... Ssh... Je retiens mon souffle, et frappe timidement à la porte entrebâillée. Le ssh... ssh... s'interrompt. Un petit clac sec, qui indique qu'il a posé son pinceau. La porte s'ouvre. Pendant qu'il me fait la bise, je jette un coup d'œil furtif par dessus son épaule...
Elle est là. Mon cœur se calme, j'inspire profondément. Ma tension se relâche. Fidèle au poste, magnifique, d'une élégance incroyablement humble, elle trône.
Alors encore une fois, je peux me perdre dans sa beauté sereine... jusqu'à ce qu'il la signe un jour, cette toile, qu'il l'emballe, et l'expédie à son futur collectionneur.
Fascinante, émouvante cette pensée pour ELLE...
· Il y a environ 8 ans ·Très joli texte tout en délicatesse...
Louve
...sur cette beauté caressée par la lumière douce du matin...
· Il y a environ 8 ans ·Louve
Merci beaucoup, Louve =) Ca me touche =)
· Il y a environ 8 ans ·mademoiselle-the
C'est ce qu'on appelle de l'amour... ça gratte et ça glaçis parfois... jolie description.
· Il y a environ 8 ans ·effect
C'est joliment dit... =) Merci, effect
· Il y a environ 8 ans ·mademoiselle-the
j'ai cru que vous parliez de la beauté de D.
· Il y a environ 8 ans ·Hi Wen
Hahaha, oui, effectivement, ça prête à confusion...
· Il y a environ 8 ans ·Je suis revenue beaucoup de fois sur le texte, avant de me décider à le publier, en me disant que ce serait plus parlant de voir ce qu'en pensent des lecteurs avec un regard frais, plutôt que de m'acharner dessus
En tout cas, merci de votre passage par ici, Hi Wen =)
mademoiselle-the