Invidia

christinej

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La journée ensoleillée embellissait son humeur.

Le soleil radieux raccourcissait les jupes, le vent doux et chaleureux souriait au coin des lèvres.

Oui, vraiment, quelle belle journée!

Grégoire se baladait tranquillement, les mains dans les poches de son jeans. Sa chevelure brune, brillait de légèreté et d'insolence, bondissant à chacun de ses pas. Ses yeux noisettes toujours à la recherche de nouveautés, n'arrêtaient pas d'aller de droite à gauche, picorant la vie comme un biscuit au beurre.

Le visage plutôt rond et doux, comme celui de sa mère il parait, lui donnait un air d'éternel adolescent. Il aimait ça, cette sorte de jouvence physique permanente, il se pensait même, parfois, imperméable au temps qui passe, comme en suspend entre deux âges.

Mais derrière ce visage juvénile, la machine tournait à plein régime, analysant, décortiquant, démembrant les autres, ceux qui croisaient son regard. Il leur souriait, innocemment, toujours un sourire en poche pour chaque occasion, toujours un salut aimable pour rester dans la normalité.

Mais derrière tout ça, il mordait dans vos secrets à pleines dents, goulument, toutes ces petites choses que vous vouliez garder pour vous, il adorait ça. Dès qu'un appât mordait son intérêt il devenait son ombre, il le suivait, le traquait. Débusquer les failles, les erreurs, les tromperies, les miettes insidieusement planquées sous le tapis.

Grégoire aimait contempler la peur, la souffrance des gens cela les rendaient pathétiques et lui il devenait tout puissant avec tout ce savoir, il s'en nourrissait avec avidité. Il pouvait les comparer à de la simple nuisance, des insectes tout au plus, qu'il pouvait, si il le désirait, écraser sous sa chaussure.

Il les voyait, eux aussi, porter des masques de mensonges, des sourires de complaisance, pour se soustraire, pour polir leurs imperfections. Lui, il effectuait cette manœuvre par défaut, pour ne pas les effrayer, rien de plus.

Il se délectait d'eux, s'amusait sans cesse de les voir jongler avec leur mensonge. Leur médiocrité.

Perdu dans ses pensées, il observait le monde entre parenthèse, pourtant, à contre jour, comme un défaut sur le négatif d'un film, Elle.

Une peau de soie parfaite.

Des cheveux en torsade de feu.

Quelques taches sur les pommettes rehaussant le vert des ses yeux émeraudes.

Une bouche charnue à souhait au gout cerise.

De longues boucles d'oreilles en cascade sur ses fragiles épaules.

Un chemisier en organdi blanc, volait autour d'elle, comme un léger nuage, un body à bretelles, rouge, se cachait à peine en dessous, s'harmonisant parfaitement avec son galbe d'Aphrodite. Ses jambes, qu'il s'imaginait, longues et fines sous son pantalon, l'entrainaient en longues foulées loin de lui. En passant tout près, il sentait émaner d'elle le printemps les fleurs, le soleil, le bonheur.

Tout commençait à s'effacer autour de lui, le parc, les gens, le ciel, plus rien n'existait sauf, elle.

Il sentait son cœur battre comme jamais, une porte venait de céder dans son palpitant, déréglant la régularité de ses coups. Un souffle nouveau lui brulait les poumons. La déraison enflammait son esprit.

Il voulait lui parler, la toucher, l'admirer, la gouter. Il voulait qu'elle devienne sienne.

Il ne pouvait plus détacher son regard de son soleil aux cheveux rouges. Elle se mouvait parmi les hommes comme une déesse foulant la terre. Lui, il restait dans l'ombre, son terrain favori, luttant de toutes ses forces pour ne pas la prendre dans ses bras. Il devait se montrer patient, elle le méritait bien.

Elle habitait une petite maison, certainement celle de ses parents. Apres plusieurs heures de planque il devinait assez facilement qu'elle vivait seule. Un peu de musique transpirait des murs, une lumière voilée éclairait une unique pièce dans la maison, de toute évidence sa chambre.

Il voulait, il désirait si fort qu'il brulait de l'intérieur, cela devenait une urgence, une question presque de vie ou de mort.

Une fenêtre au rez-de-chaussée, un peu lâche, un coup sec et le voila à l'intérieur. Des photos de famille recouvraient les meubles et les murs, des bouts d'histoires, des sourires figés, des morceaux de temps épinglés pour étaler leurs bonheurs aux autres. Bien trop mièvre, trop factice pour lui, tout ça dégoulinait de sentiments poisseux et lacrymaux, une perte de temps, aucun intérêt. Lui ce qu'il cherchait, se trouvait là-haut, au premier étage de la maisonnée. L'escalier, grinçait, il devait s'arrêter à chaque pas, reprendre sa place dans le silence, une nouvelle marche, puis une autre.

Elle se trouvait juste là, derrière ce dernier rempart. L'oreille collée à sa porte il l'écoutait vivre, elle chantonnait, dansait probablement aussi. L'innocence dans toute sa beauté.

Il devait agir maintenant par instinct pour obtenir ce qu'il voulait.

Il poussa la porte sans brutalité, la tête rentrée dans ses épaules prêt à bondir.

Elle, elle aimerait crier, hurler, mais la peur la paralysait. Elle restait, là, les yeux grands ouverts, impossible d'expliquer… pourquoi…comment….

Il s'approchait, sans courir, mais en trois enjambées il la tenait.

Elle commençait juste à prendre conscience de ce qui se passait, cet homme…ses yeux monstrueux..sur elle…trop de peur…

Comme une poupée de chiffon elle tomba à terre.

Il ne pouvait espérer mieux, elle, à sa merci, sa peau sous ses doigts, sa vie au bout de ses lèvres.

Il voulait, il la voulait. Pas simplement pour un temps, on s'amuse et puis bye bye. Non il voulait qu'elle reste avec lui jusqu'à la fin de sa vie. Il voulait un morceau de bonheur en lui, et elle, elle sentait le bonheur.

Son couteau en main, doucement, il déchira son pyjama, puis sa peau. Le craquement des os. Elle, dont la vie l'habitait quelques minutes auparavant, encore chaude, lui offrait son cœur qui renfermait le bonheur qu'il convoitait tant. La chair cédait facilement sous ses dents, le sang se répandait dans son cou, sur ses mains, sur le sol, mais quelle importance. Il possédait désormais un part de bonheur au fond de lui.

Maintenant il désirait trouver sa part d'amour.

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