iTunes Money, vers l'institutionnalisation

emilataman

Par Philip Armour (AMC San Francisco) - 10.03.2025



Hier, à Cupertino, débutait le premier round des négociations entre le FMI et Apple Inc.


« Si pour la première fois de son histoire, le FMI engage un cycle de négociations avec le conseil d'administration d'une société de droit privé, c'est d'abord que cette firme, mondialement reconnue pour sa contribution au développement de l'économie internationale, a souhaité devenir membre du Fonds, et, qu'à l'évidence, elle dispose de prérogatives monétaires comparables à celles de nos 150 Etats membres. » C'est par cette déclaration que Midori Matsusha, Directrice générale du Fonds Monétaire International (FMI), a ouvert la conférence de presse de la première séance de ses négociations avec Steve Jobs. Cette rencontre au sommet laisse présager une nouvelle phase de développement de la firme de Cupertino, et réinterroge la géoéconomie actuelle.


UNE COMMUNAUTE VIRTUELLE POURRAIT ACCEDER AU RANG D'ETAT-NATION

On se souvient de la controverse et des débats suscités par l'annonce officielle de la candidature d'Apple il y a deux mois. A l‘époque (SJ, Keynote 246), Steve Jobs avait présenté cette démarche inédite au nom de la communauté iTunes (1,5 milliards d'abonnés) et comme l'aboutissement de sa stratégie d'innovation sociétale. Plus récemment, il ajoutait : « Si le FMI validait notre candidature, nous pourrions nous honorer de la reconnaissance institutionnelle ainsi accordée à notre contribution technologique et participative pour une meilleure structuration de l'économie mondiale. » (SJ, Keynote 249). Au delà des enjeux politiques liés à cette démarche, force est de reconnaître le succès du protocole monétaire Apple. Lancée en 2014 après la faillite de MtGox et la crise du Bitcoin, iTunes Money (iTM) apparaît aujourd'hui comme la valeur refuge du e-commerce mondial postH2O. Géré par des plateformes géomouvantes et géovariables, ce protocole monétaire est aujourd'hui considéré comme le plus sûr au monde. Par la progression spectaculaire du volume de ses transactions gérées, iTM est devenue en l'espace de dix ans la première monnaie numérique, loin devant Bitcoin, et la troisième monnaie internationale devant le Yen et le Dollar US. Même si l'Euro et le Yuan restent encore les monnaies plus utilisées pour régler la plupart des transactions financières internationales, les prévisions actuelles de croissance des échanges libellés iTM permettent d'envisager la mutation rapide des équilibres géoéconomiques actuels. Pour Paul Krugman, Président honoraire de l'Université de Princeton, « Nous ne mesurons pas encore toutes les conséquences du pouvoir qui serait donné à une firme de bénéficier des mêmes droits de tirage que n'importe quel Etat. »


VERS UN SYSTEME MONDIAL NEOMEDIEVAL ?

Le fait que le cycle de ces négociations s'ouvre à Cupertino n'est certainement pas neutre. Une indication du rapport de forces entre les parties. Côté FMI, deux rapports d'audit interne souligneraient la contrainte stratégique de compenser à court terme le retrait progressif de pays émergents par la recherche de nouveaux fonds structurels, et a minima, assurer la continuité de la mission fondamentale du FMI de refinancer ses Etats membres. Si cette fragilité était vérifiée, l'entrée d'Apple arriverait à point nommé. De fait, on peut aisément imaginer que l'un des points de négociation portera sur le montant de l'apport numéraire d'Apple, et son corollaire, les droits de vote qui y sont statutairement associés. Si dans l'histoire monétaire internationale, des entreprises ou des personnes privées ont déjà contribué officiellement au financement d'Etats ou de Royaumes, il faut remonter jusqu'au Moyen-âge pour rencontrer couramment ce type de pratiques. En entrant au FMI, Apple Inc. ouvrirait une nouvelle ère de relations économiques entre le privé et le public dont certains aspects ont déjà été expérimentés par le passé, donnant raison de plus à ceux qui ont posé l'économie politique et ceux qui ont pensé sa critique, comme la Chine de l'époque Mao.

 

FEUILLE DE ROUTE

Le 20 mai prochain, le FMI tranchera définitivement cette question par un vote qui, pour mémoire, n'a jamais été démocratique au sens classique du terme, le poids des voix de chaque membre restant proportionnel à sa contribution financière. Le vote de la Nouvelle République de Chine sera d'ailleurs déterminant. Deux procès pour violation de brevets Apple impliquent actuellement l'agence chinoise de coordination du PMU. Steve Jobs est toujours resté silencieux sur d'éventuelles discussions avec la banque centrale chinoise, alors que ses consultations avec la FED et la BCE sont de notoriété publique.


Le second round des négociations avec le FMI est prévu le 30 mars, au siège de l'AMC, Chicago. A cette date, les comptes consolidés 2024 de la firme de Cupertino auront normalement été publiés, confirmant sans doute une nouvelle capitalisation record.


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Steve Jobs - Keynote 261

  • Merci pour ce retour Mister Ocean. Une chronique encore un peu trop "normée" peut-être, pour sa proximité avec les codes rédactionnels actuels... A retravailler sans doute, un jour

    · Il y a plus de 10 ans ·
    Emilataman

    emilataman

  • J'aime beaucoup cette chronique, très documentée et réaliste. On s'y croirait !

    · Il y a plus de 10 ans ·
    Plustard

    Aden Osean

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