J'ai donné

J'ai donné des pastels et des crayons, des cahiers, du papier de soie et papier crépon. Ce que j'ai gardé, j'en ai fait des fleurs et des guirlandes, des dessins sortis de mon imagination, j'ai brûlé des feuilles pour faire de jolis parchemins avec des poésies écrites dessus, des coeurs inscrits sans y penser, comme machinalement, je n'ai comme amies que des personnes qui vivent plus ou moins loin, vrai de vrai un jour j'irai... Comme le poisson, le saumon je remonterai le fleuve à la recherche de l'endroit où j'ai posé mes oeufs, où j'ai déposé mes souvenirs dans un écrin chaud pour les protéger, afin de ne point trop pleurer quand je m'en souviendrai. Inès, Sari, Carmen et les autres, des filles que j'ai connues et reconnues comme miennes, des soeurs, des sourires, des éclats de rires, ça s'appelait le bonheur, la plus belle période de ma vie après ce que je n'ose nommer pour ne point la déranger. Mystères et renaissance, je suis le fleuve et la rivière, quant au sens de l'univers c'est une chance de l'écrire sur la terre humide des rives, celles qui se prolongent au gré d'un air simple et timide, un air qui cherche ses gammes dans un été chaud qui sourit et qui fleure bon l'humus et la rosée.

J'ai donné du sang et de la sueur, la nature me les rendra, les chants des oiseaux m'accompagnent au-delà des champs et des forêts, là-bas un arbre tout seul prend racine, gardien des âmes solitaires, quand on s'approche on peut voir gravé sur l'écorce du tronc, les initiales éternelles, d'amis qui se sont aimés, filles et garçons réunis dans la spirale de l'enfance, celle que je n'osai nommer pour ne point l'abîmer, la déranger.