J'aime être égoïste

Flora Marin

J’aime être égoïste !

« Quatre femmes (soixante et onze, soixante-treize, soixante-quatorze et soixante-seize ans) et quatre hommes (soixante-dix, soixante-douze, soixante-quinze et soixante-dix-huit ans), pensionnaires d’une maison de retraite à Constanta en Roumanie, ont conçu et exécutent un projet de masturbation indépendante et simultanée. Ils sont tous d’accord pour chercher l’orgasme, chacun dans la solitude de son lit, tous les samedis soirs au douzième coup de minuit, après le loto et la sauterie hebdomadaire. Plus tard, le directeur de la maison sera frappé par l’incroyable vitalité de ces huit-là, d’autant qu’elle augmente de semaine en semaine. Ils refuseront néanmoins de divulguer le secret de leur forme. »  

Plaisirs singuliers, Harry Mathews, P.O.L éditeur, 1983.

 

Que sont les plaisirs singuliers ? Il semblerait que Harry Mathews ait la réponse.

La masturbation, la manuélisation, le vice solitaire, l’onanisme, le manuélisme… Beaucoup de circonlocutions pour un seul acte. Acte pratiqué seul ou accompagné dont le seul intérêt est l’explosion finale. Jouir, mais sans relation sexuelle.

Des gens admettent qu’ils se font à la pogne et d’autres refusent d’en gicler mot. Toujours est-il que Saint Thomas d’Aquin jugeait la caresse intime un péché pire que le sexe hors mariage. On a envie de lui répondre que se masturber est une façon très érotique de rester fidèle…

« Quatre femmes (…) et quatre hommes (…) »

Lorsque quatre hommes se branlent après minuit, pourquoi peine-t-on à dire qu’autant de femmes le font aussi ? La masturbation féminine a même été appelée la main scélérate : des doigts dans la culotte, un acte criminel ?! Ce n’est pas ce que dirait mon voisin d’en face.

Et si on démystifiait les histoires de frigidité, les idées de filles envieuses, bref tout ce que certains préfèrent croire ? Le clitoris n’est pas qu’un petit bouton maléfique : comme le pénis en érection, il s’agite, se remplie de sang, gonfle. Mieux qu’un pénis, il peut jouir à répétition. Et les femmes l’ont bien compris.  

« Ils sont tous d’accord pour chercher l’orgasme ». Vraiment, tous ?

Du chérubin dans son berceau au pensionnaire de maison de retraite, à tout âge le plaisir singulier est présent. Il s’invite sur notre lit, sous la douche, sur la selle d’un cheval ou dans nos rêves. Que ce soit volontaire ou inconscient, il est partout et pour notre plus grand bien. Charles Edouard Brown-Séquard, grand neurologue du XIX° siècle le conseillait d’ailleurs à la tribune de l’académie française. Et il n’hésita pas à le recommander à ses collègues. Alors prenons exemple sur ces petits vieux roumains et branlons-nous l’imagination ! 

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