J'arrive.

Marguerite De Branchus

Ces moteurs de scooters, ces bouffées d'air remplies de soleil, ces bourrasques de vent remplies de vie, ces bruits de passants, ces va-et-vient pressés qui sentent bon le quotidien....

Confinée, enfermée et prête à étouffer derrière ce clavier, j'entends le bruit de la vie de l'autre côté de la vitre. Ces moteurs de scooters, ces bouffées d'air remplies de soleil, ces bourrasques de vent remplies de vie, ces bruits de passants, ces coups de klaxons, ces va-et-vient pressés qui sentent bons le quotidien. Je les aime comme jamais. Je n'ai qu'une envie les retrouver.

A peine le rayon de soleil a percé, que nous sommes tous assoiffés, impatients, enjouées et excités à la simple idée de pouvoir respirer. Humer à nouveau l'air frais de ces longues soirées. A pleins poumons, le nez en l'air, les pommettes rougies de ce plaisir retrouvé : s'abandonner entièrement à l'air libre et s'enivrer sous la délicate caresse du soleil. Ces vitres givrées, ces longues nuits, ces matins noirs, ces écharpes râpeuses, ces cols qui grattent, cette peau qui tiraille. C'était le prix à payer pour enfin y arriver. Ce jour où tu sens qu'il ne manque plus grand-chose pour claquer la porte, rouler la fenêtre ouverte en regardant les mouvements du soleil qui se dessinent haut dans le ciel comme pour te dire que la journée est loin d'être finie.

Comme tous ces assoiffés, j'ai ouvert ma fenêtre. Comme pour leurs dire de rentrer. Comme pour les supplier de venir dans mon bureau, me frôler l'épiderme, m'hérisser les poils et me réchauffer le dos. Maudit soleil que j'ai dans la peau. Comme tous ces impatients, je suffoque sans ces rayons de soleil, ces brins de vie, ces brumes légères. Rien que d'entendre ces frémissements familiers, ces fourmillements de vie, je suis impatiente d'en avoir terminé. Avec ce clavier, avec cette journée enclavée sous l'air lourd des machines informatiques, avec cette routine cloisonnée par l'ambiance aseptisée de la machine à café. Hâte d'en finir pour enfin respirer dehors, vivre loin et donner vie, moi aussi, à ce bruit qu'on aime tant.

Ce bruit de la vie extérieure qui vient jusqu'à moi me rappeler que bientôt je pourrai aller m'abandonner sur une terrasse les yeux mi-clos en regardant le soleil prendre tout son temps pour se coucher sur cette première journée de printemps. Rien que t'entendre ce bruit de vie animée et de grandes foulées, juste là sous mes pieds quelques étages plus bas, cela me donne l'énergie de continuer, de lutter, de tenir dans la perspective de pouvoir bientôt goûter à ce fugace intense de plaisir.

A en rougir. A s'en mordre les lèvres de plaisir.

Ce moment si particulier où enfin tu as réussi à t'échapper. Celui où enfin tu goûtes à la liberté, que tu ouvres délicatement la fenêtre de ta voiture pour laisser l'air libre entré et s'emparer de toi. Ce délicieux moment qui t'annonce que ta deuxième journée va commencer.

Fougueux printemps et soyeux rayons de soleil des grands soirs d'été, attends-moi, encore quelques mois et je serais à toi. Doux bruit de la vie juste derrière la vitre, attends-moi.

J'arrive.

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