J'aurais aimé

aile68

J'aurais aimé que mon père s'exprime davantage, je me souviens de ces paroles qui sortaient de sa bouche avec fatalisme: "Contre la nature on ne peut rien!". La nature, la nature... C'est étrange, quand on était à table, il nous invitait à parler, alors que, j'imagine, la plupart des enfants dans les autres familles devaient se taire et manger. Chez nous, à table on riait beaucoup, mon père faisait son show avec un bout de pain et de fromage qu'il nous invitait à goûter, je me rappellerai toujours l'odeur particulière de son Opinel, une odeur virile et métallique. J'ignore combien de vélos mon père a eu dans toute sa vie, les gens se rappellent mon père avec son vélo et la cagette attachée à la selle avec des légumes et des salades, il ne racontait jamais de salades mon père, quand il y avait des invités à la maison, il écoutait attentivement, s'exprimait comme s'il allait chercher les mots au fond de sa pensée, de lui-même. Il aidait ma mère dans les taches ménagères, faisait les pâtes mieux que ma mère, avec les choux italiens coupés en petits morceaux et les tomates que ma mère et lui faisaient en bocaux chaque année.

Mon père n'était pas quelqu'un qui la ramenait, c'était un gros travailleur, travail et jardin le soir, il aimait jouer avec nous quand il rentrait du travail. Je me rappelle tout cela dans la chaleur du foyer, la grande cuisine que tout le monde nous enviait je suppose, mes parents, c'était un pari sur la vie, le courage qu'il fallait oser avoir pour négocier tous ses virages dangereux.

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