J'avais de tes poils, de ta sueur, de la boue et de mes larmes mélangés en-dessous des ongles encore vernis pour une nouvelle année, lorsque je t'ai conduite, toi toute digne, jusqu'à la porte du bloc opératoire.
Je t'ai accompagnée jusqu'au bout, c'est ce que je me dis pour rester forte. Mais puis-je l'être autant que toi, qui n'a jamais montré pendant ces longues heures, à quel point tu étais en souffrance ?
Tu es sortie de ma vie presque aussi vite que tu en es entrée en ce mois de janvier 2004, où je venais à ta rencontre chez cet éleveur du Lot-et-Garonne. Ta bouille de neuf mois a fini de me convaincre, et je signais le jour-même.
Tu m'as vite enseigné le « ski-nautique » derrière ton petit corps de pouliche survoltée, à esquiver les coups de tes postérieurs vifs comme des éclairs, à vérifier une clôture jamais assez bien fermée pour résister à tes envies d'ailleurs, et à accepter tes « pardons » lorsque tu mettais ton bout du nez sur mon épaule.
Tu as vite appris le tapis de selle, la brosse, le vermifuge, le reculer, le respect, et la douche que tu venais prendre toute seule.
Très tôt tu as su ne pisser que dans ton box lorsque j'avais passé une heure à le nettoyer, jouer avec l'eau des abreuvoirs, mordre l'interrupteur jusqu'à la carcasse, ou encore éventrer mon beau collier de labour du siècle d'avant.
Je t'ai gardée précieusement, pour moi toute seule, sous le regard bienveillant de mon bon Sweety, jusqu'à tes 5 ans.
Et puis je t'ai partagée.
Dans différents lieux, dans différents clubs, en sachant toujours que tu saurais aimer toutes les personnes qui croiseraient ton chemin. Et qu'elles te le rendraient bien.
Tu as toujours eu un cœur énorme, curieuse comme pas deux, et une furieuse envie d'apprendre et de donner.
Du costume de scène au gilet jaune de TREC, tu as tout accepté sur ton dos, sans broncher.
Toi Frisonne, jument de 600 kg faite pour le trot et l'attelage, tu as quand même su sauter et galoper avec plaisir à chaque fois que l'on te le demandait.
Tu as apporté du bonheur partout où tes gros sabots plein de poils se sont posés, et je me plais à croire que ta gentillesse sans limite était devenue légendaire.
Je ne verrai plus jamais ton regard si doux que j'aimais tant, je ne t'entendrai plus jamais hennir lorsque je t'appelle de loin, tu ne me montreras plus jamais tes fesses pour que je les grattouille avec mes ongles longs, je ne monterai plus jamais sur ton dos pour parcourir des kilomètres de chemin, je ne te couperai plus jamais tes moustaches de Sherlock Holmes qui amusaient tant de gens, je... , je.... Non, plus jamais.
Tu laisses un vide immense.
Ton courage et ta dignité d'hier m'ont encore beaucoup appris.
Nous aurons grandi toutes les deux, pendant ces douze années, grandi dans tous les sens du terme.
Tu auras été une belle jument, de dehors et d'en dedans.
J'avais de tes poils, de ta sueur, de la boue et de mes larmes mélangés en-dessous des ongles en ce soir de nouvelle année...
Depuis plusieurs mois maintenant, je te croyais saine et sauve, après cette collection de seringues qui jalonnent ta vie. Je me suis trompée.
Tu as bien mérité ton paradis, s'il existe.
Tu seras à jamais en moi. Et en beaucoup d'entre nous.
Merci Nilo... elle tenait une place magistrale. Le suivant sera mon cheval de 32 ans qui tiens bien le coup, lui, pour l'instant... Merci d'être venue me lire, bisous.
12 ans c'est bien jeune ... Beaucoup trop...
· Il y a presque 9 ans ·miss0
Oui c'est jeune pour disparaitre. Je suis triste pour vous deux Lubine. Je me souvient de mes chevaux, ils tenaient beaucoup de place. Bisous
· Il y a presque 9 ans ·nilo
Merci Nilo... elle tenait une place magistrale. Le suivant sera mon cheval de 32 ans qui tiens bien le coup, lui, pour l'instant...
· Il y a presque 9 ans ·Merci d'être venue me lire, bisous.
lubine-marion-ruaud