Je serais venu plus tôt ! (1)

Je ne dormais plus dans la chambre car je me couchais trop tard, à l'heure où le besoin de faire l'amour n'existait plus. Je me couchais bien après celle du chien qui part sans prévenir et qui revient mouillé juste avant l'aube pour on ne sait quelle raison. Ma couche était pas très loin de sous l'escalier, à trois pas en direction du salon, juste avant le canapé. Vers 6h30 du matin, Betty m'enjambait pour aller à la cuisine en me criant dessus: Putain t'en a encore pris une bonne !

C'était l'année où je m'étais associé avec l'alcool, l'année ou j'avais mis de côté un peu de soucis, quand d'autres mettent sur des comptes épargnes pour des intérêts. J'avais monté mon petit business dans les bureaux de la nuit: plus elle commençait tard, plus j'avais du mal à la laisser se finir tôt. J'éprouvais une grande satisfaction à faire des heures supplémentaires, que je récupérais en congés matinaux. Au travail, je montrais le bout de mon nez vers midi, prétextant une panne de moteur, des huîtres avariées, une fuite d'eau, un colis que le facteur il trouvait pas l'adresse, mon chat dans le sapin que les pompiers ils ont du sortir la grande échelle, une rage de dents que pour trouver un dentiste qui te prenne en urgence sans un rendez-vous, ben...

Dans un petit carnet, je répertoriais et compulsais régulièrement toutes mes excuses afin de ne pas trop faire de redites. Les étoiles qui les surmontaient ne mentionnaient pas la qualité de l'alibi, mais plutôt son nombre de fois, sa quantité. Cependant, certaines auraient pu faire partie d'un guide culinaire tant elles avaient un goût raffiné. J'aimais bien celle qui consistait à faire culpabiliser mon entourage lorsque j'étais vraiment trop à la bourre:

- Pourquoi que tu ne me l'as pas dit hier, je serais venu plus tôt !