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Je t'attendrai là-bas. À Akureyri.
chocho
Elle lui a envoyé des ultimatums. Il n'a répondu que par quelques lignes dans un mail. Un simple mail. Quelques lignes et un billet d'avion...
"Ma chérie, tu voulais ma réponse, la voici : ci-joint un billet d'avion. Je t'attendrai là-bas !".
Ça fait au moins une bonne dizaine de fois que Cathy relit son mail. Un simple mail. "C'est simple comme bonjour", pense-t-elle en souriant bêtement aux nuages de l'autre côté du hublot, dans le Boeing qui la conduit vers son amour qui l'attend à...Akuyeyri, au nord de l'Islande !
Elle n'en revient pas, elle n'en revient toujours pas.
6 mois ! 6 mois, qu'elle a rencontré Philippe, lors de son vernissage. Elle était venue interviewer cet artiste peintre en vogue depuis peu. En fait de rencontre, un vrai choc. Un échange de regards et, vlan ! Le sol qui vacille, la température qui grimpe et la foule qui s'éclipse et les laisse seuls au monde, au milieu de 300 personnes. 6 mois de passion qui s'enchaînent. 6 mois...Et là, bing ! Ça commence : et elle de faire des plans sur la comète : et si...Et si...Et si...À vouloir envisager, se projeter, imaginer...Et lui d'avoir peur, d'hésiter, de reculer un peu, un peu plus, un peu plus encore, de mentir et de fuir...Classique !
Et en guise de réponse aux ultimatums qu'elle lui a fixés : rien de plus que ce simple mail. Depuis silence radio. Aucune explication.
Et là, à cet instant précis, la voici tout juste descendue d'avion, sa valise à la main, au milieu de l'aéroport, le cœur chancelant, les yeux écarquillés. "Je t'attendrai là-bas", elle a beau regarder autour d'elle, scruter les visages. Rien. Il n'a pas pu lui faire ce coup là, de ne pas venir, lui poser un lapin !... "Non, ce n'est pas possible, ressaisis-toi ma fille, tu n'as pas à faire à un psychopathe. Il est en retard. Il est juste en retard." Elle cherche encore une fois sa silhouette parmi la foule mais c'est son nom qui l'arrête, écrit en lettres capitales sur un écriteau qu'agite au-dessus de sa tête un petit homme sans intérêt autre que cette pancarte qu'il tient avec son nom à elle écrit dessus. "C'est moi ! C'est moi !", a-t-elle envie de hurler, son cœur soudain super léger.
Quelqu'un est là qui l'attend. Ouf !
De tout le trajet, le chauffeur ne décroche pas un mot. Est-il muet ? A-t-il reçu une consigne ? Est-ce un enlèvement ?
Devant le paysage qui défile sous ses yeux et la scotche littéralement au fond de son siège, elle en oublie les questions qui étourdissent. Le paysage est magnifique. C'est sa première fois en Islande, elle n'aurait jamais imaginé y aller un jour. Quelle beauté ! Une route qui n'en finit pas de tracer son sillon au milieu de nulle part, dans un désert de roches constellé de fjords aux couleurs irréelles. Et ce silence quasi palpable. Elle croit rêver. Ne rêve-t-elle pas d'ailleurs ?
Oh, que si elle rêve !
La voiture s'arrête, le chauffeur se retourne vers elle et lui sourit pour l'inciter à descendre. À la découverte. Une maison, en bois, au design si contemporain que c'en est une œuvre d'art. Des formes triangulaires, un toit en pente en guise de auvent. Et, tout autour, tout autour, la nature. Dans son immensité. À perte de vue. L'éclatante beauté au naturel. Des couleurs qui caressent la rétine. Ocre rouge. Ambre. Safran. Bleu cobalt. Cyan lumineux. Bleu de Gênes. Indigo. Quelle palette !
Cathy est immobile, debout, bouche bée, sa valise posée au sol.
La voiture est repartie.
Elle entre dans la maison, dans une autre dimension. Avec retenue. Comme dans un rêve. Subjuguée. Intriguée. Le souffle coupé.
Il n'y a personne. Elle le sait, le devine tant règne le silence. La moindre respiration aurait été immédiatement perceptible.
Le salon n'est que baies vitrées qui s'ouvrent sur la nature en démesure. Elle admire l'ailleurs, son cœur frappe fort, saisie par la beauté de ce chef d'œuvre digne de l'Ermitage. Elle en pleurerait.
Philippe son amour, n'est pas là. Viendra-t-il seulement ? Elle ne se pose même pas la question, tant elle est happée par sa découverte.
Dans la petite cuisine aux couleurs Pop Art, elle se sert un thé. Le mug bien chaud serré entre ses mains, elle s'assoit sur la banquette en bois, tout contre la vitre. Elle cale les coussins confortablement contre ses reins. Et, le nez contre le froid de la fenêtre, elle hume le paysage, se fond dedans, s'imprègne de sensations et oublie. Elle oublie le temps, ses rafales de questions qui d'ordinaire tourbillonnent dans sa tête, ses peurs, ses doutes. Sa vie d'avant.
Dans le reflet de la vitre, elle voit se dessiner délicatement son sourire. Il a tout compris. Lui, l'être aimé, désiré, attendu. Lui, l'artiste peintre qui sait si bien observer. Capter. Saisir l'insaisissable. Il lui a offert le plus beau des séjours dans cette maison d'Islande.
Lovée contre la vitre, heureuse, enfin apaisée, elle attend...
Elle attend l'aurore boréale qui, elle le ressent déjà, la bouleversera pour toujours.
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