VERY GOOD SURPRISE IN MONTREAL

Une porte claque loin, très loin de là où je me trouve. Je pourrais continuer à dormir, mais une voix derrière moi me réveille pour de bon.

J'ouvre un œil puis le second, le temps de m'habituer à la clarté des lieux. Ce n'est pas ma chambre que je découvre, ni mon fiancé qui m'accueille avec son chaleureux "bonjour" quotidien. Devant moi se dresse une grande blonde avec un accent du midi que je n'avais pas entendu depuis longtemps. Je regarde autour de moi. La Française n'est pas seule ici. J'aperçois les fesses d'une seconde dans la cuisine. Elle a sa tête dans l'un des placards et marmonne quelque-chose à une troisième jeune femme qui est cachée par la porte du frigo.

Quand la première leur lance un vigoureux "Elle est réveillée", elles stoppent toutes les deux leurs activités et trottinent jusqu'à moi.

Je pose mes mains sur la méridienne qui à l'évidence m'a servi de lit cette nuit et me redresse en essayant d'articuler quelques mots. Pourtant ils restent tous bloqués et les larmes me montent presque immédiatement aux yeux. Je les regarde toutes les trois avec un tel air de chien battu qu'elles craquent à leur tour. Leur visage fatigué part dans un fou rire incontrôlable et je les rejoins en me relevant et en les prenant une à une dans mes bras. J'ai beau leur demander peut-être dix ou quinze fois ce qui se passe, aucune d'entre elles ne parvient à me répondre.

- C'était une surprise, finit par reconnaitre la blonde qui était là à mon réveil et avec qui j'ai partagé les bancs de l'école pendant la moitié de ma scolarité. On aurait dû arriver hier soir, mais notre avion a eu du retard....

Je me repasse rapidement le fil des événements. En rentrant hier soir du travail, j'avais trouvé une lettre de mon compagnon posée sur la table de la cuisine. Seule des coordonnées géographiques y étaient inscrites. J'avais mis un peu de temps à comprendre qu'il m'envoyait à travers la ville afin de récolter divers indices qui me conduiraient à cet endroit précis. Je ne connaissais pas cet appartement, mais il avait tout pour me plaire : un petit jardin de ville avec hamac et fauteuils confortables, un séjour spacieux avec une cuisine ouverte, une salle de bain avec une grande baignoire. Il avait dû écumer Airbnb pendant des heures pour trouver cette merveille.

Il avait collé des post-it partout du style "Ta surprise va arriver!" ou "Prépare-toi..." et j'avais profité du confort que m'offrait cet appartement en patientant pendant une heure puis deux et trois. Heureusement que nos hôtes avaient prévu un petit encas à mon arrivée, car je n'osais plus sortir et risquer de manquer cette fameuse surprise. Au bout d'un long moment, je m'étais assoupie et à mon réveil, j'avais découvert mes trois amies d'enfance là devant moi.

Je ne les ai pas vu depuis mon départ pour Montréal, il y a maintenant presque 2 ans, lorsque nous étions encore toutes les trois étudiantes à Montpellier. J'exulte. J'ai tant de questions à leur poser que mes phrases débutent par l'une d'entre elles et finissent par une autre. Après m'y être repris à trois fois, je parviens enfin à en formuler une qui tienne la route :

- Qu'est-ce que vous faites ici?

C'est Clara, dont la tête est cette fois-ci plongée dans sa valise qui me répond.

- Mais patate, on est quel jour aujourd'hui...?

Je compte dans ma tête. Mardi, c'était le 14 juillet. Je m'en rappelle bien car mon fiancé québecois s'était habillé avec un t-shirt bleu, un short rouge et des tennis blanches pour rendre un hommage à sa chérie française. Ce qui voulait dire qu'aujourd'hui était le 18 juillet. Le jour de mon vingt-cinquième anniversaire.

Clara a trouvé ce qu'elle cherche et elle l'exhibe fièrement comme un trophée à ma gloire.

- Champagne?

FIN

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