Liv, Anders et Lidingö
lenank
Liv m'a accueillie à la tombée de la nuit. L'estomac retourné par la traversée en ferry mais néanmoins décidée à me montrer une invitée agréable, je lui fis la réflexion que son nom me transportait dans un film d'Ingmar Bergman. Elle m'a souri. Je pense que nous ne sommes pas compris. L'annonce disait que c'était l'endroit parfait pour s'écarter de tout. Mon hôtesse m'a invitée à la suivre dans le cottage jaune au fond de son jardin, dont je peinais à distinguer la couleur à la lumière de sa petite lanterne. "Voilà, le début de l'aventure", pensais-je, avançant péniblement dans la pénombre chaussée de mes bottines compensées. On m'avait dit que partir me ferait du bien, qu'il faudrait que je m'éloigne de ma routine. Alors au hasard d'une page, les yeux fermés, mon clic du destin s'était arrêté sur la Suède. Au départ ce choix m'avait refroidie. “Pourquoi pas Majorque, ou Mykonos ?”. Mais je décidais de jouer le jeu et m'envolais pour Stockholm et cette bicoque de jardin. La kitchenette était sommaire, mais après tout cela conviendrait à mes préparations de plats instantanés. Après m'être informée sur les spécialités culinaires de la région, mon estomac fragile avait préféré jouer la carte de la sécurité et remplir ma valise de denrées plus classiques. Je ne prie pas le temps de visiter les quelques mètres carrés et m'écroulai dans le lit frais.
"Välkommen till Lidingö !" Lidingö. Le nom du village, il me semble. A en juger de l'air enjoué de mon interlocuteur, il s'agissait d'une parole de bienvenue. A en juger de son absence de vêtements hormis un slip de bain couleur pastel, je ne risquais pas d'avoir besoin du manteau à fourrure acheté la veille de mon départ. Peut-être qu'en ce mois de juillet, mon choix de bagages n'avait pas été très avisé.
"Sov du gott inatt ?" Je supposais qu'il me demandait si j'avais bien dormi, mais mes déductions hasardeuses ne m'aideraient pas beaucoup à dépasser la barrière de la langue. J'avais déjà imaginé ma première rencontre avec un suèdois. Il aurait été blond vénitien, me réveillant du bruit de sa hache coupant du bois pour nous réchauffer près de la cheminée, allongés sur une peau d'ours blanc. Mais l'homme présent à la fenêtre de mon cottage, répondant au nom de Anders comme je l'apprendrais un peu plus tard après maintes tentatives de communication, était bien éloigné de mes fantasmes stéréotypés. Grand, certes, mais surtout imposant dans la largeur, Anders affichait un large sourire et des pommettes rougies. Légèrement déçue par cette deuxième rencontre – mes échanges de la veille avec Liv s'étaient limités à des sourires crispés et de vagues gestes de la main -, j'étais prête à me montrer sociable et rejoignais l'inconnu dans le jardin où il avait installé mon petit-déjeuner. Je n'osais pas lui dire que je me contentais généralement d'un café à la machine de mon bureau pour démarrer la journée, ce que j'aurais d'ailleurs été bien incapable d'expliquer en suédois, et m'asseyais. Fromage, poissons marinés, et des tartines de...pâté de foie ? Je soupçonne qu'à ce moment là, l'expression de mon visage n'ait trahi à quel point j'étais mal à l'aise. Mais la gentillesse de Anders ne me laissait pas le choix. L'aventure.
Voilà ce qui m'avait séduit dans l'annonce : un sauna en bois, simple cabane en apparence, perché au bord du fjord. Très couleur locale, et tout à fait séduisant. Le temps étant clément, je suivis l'exemple vestimentaire de Anders et me dirigeais vers le sauna en maillot de bain, entourée de ma serviette de bain aux couleurs jaune et bleu achetée pour l'occasion. Un havre de paix, une vue splendide sur le fjord sombre s'étendant à perte de vue, je m'y sentais enfin loin de Paris, déconnectée. Je me demandais néanmoins s'il était possible de capter le Wifi à l'intérieur. Alors que j'étais à deux doigts de m'assoupir dans la moiteur du lieu, la porte s'ouvrit, laissant place à trois personnes, des invités de Liv. Apparemment, pour eux le slip de bain n'était pas de rigueur. Après un sourire poli à destination des nouveaux arrivants, je fis mine de somnoler afin de ne pas poser le regard sur ce que je ne souhaitais pas voir. Je ne pourrais aisément décrire les vingt longues minutes passées au milieu d'inconnus en tenue d'Adam plaisantant en langue du Nord. Je regrettais presque de ne pas pouvoir participer à leurs éclats de rires gutturaux. Tant pis pour le calme et l'introspection personnelle, je retenterais demain.
J'avais d'abord décliné l'invitation de Liv de me joindre à la grande tablée pour le dîner, mais face à mon plat industriel passé au micro-ondes je me sentis ridicule. Alors que je rejoignais les autres, tous eurent l'air ravis de me voir et me firent une place à leur table couverte de poissons et de pommes de terre. Plus tard, je m'allongeais dans le trampoline surplombé d'une tente qui tronait dans le jardin, les yeux vers les étoiles qui illuminaient le ciel nocturne, l'esprit enfin loin du Wifi et le corps apaisé.
Äventyr.
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