Je te voulais

Mitaine Crocq

Je te voulais solaire, remède à mon hiver

je te voulais la peau dorée, légèrement iodée

je te voulais d'ailleurs, le verbe enchanteur

je te voulais l'esprit serein bien qu'un brin enfantin

Je te voulais courant et me dépassant

sur cette plage perdue au soleil déclinant

je te voulais souriant à ta victoire, bêtement

je te voulais plus loin m'attendant, sourire triomphant

t'arrimant aux fonds marins

m'y attirant de ta main, d'un oeil mutin

Je te voulais perçant les dunes vers ce resto italien

je te voulais sur le choix des plats tranchant, me laissant maître du vin

je te voulais m'entraînant vers ce bar enivrant

y lancer des concours d'alcool face à des marins partis gagnants

Je te voulais courant vers l'écume, disparaissant dans les abysses

pour plus loin en percer la surface, la houle fouettant tes cuisses

je te voulais à moi te collant, tes fringues détrempées

vers les dunes m'entraînant, et m'y déshabiller

Je te voulais les mots manquants, comme étouffés devant cette toile

je te voulais au milieu de vieux vinyles les yeux plein d'étoiles

je te voulais stressant, craignant de déranger

les personnages enfouis dans des livres d'un si lointain passé

Je te voulais le corps nu, un livre sur le coeur

sur mon lit reposant, l'oreille tendue, en apesanteur

profitant du bruit de la pluie battant les tuiles en choeur

Je te voulais te déchaussant et tard dans la nuit sur le pavé marchant

sentant la chaleur du jour accumulée et dans tout ton corps se distillant

je te voulais tes poumons gonflant, aspirer ce doux parfum d'orage enivrant

je te voulais un après-midi d'été pour dans une grange grinçante tout oublier

de ma colonne, de mes bras, de mes reins trempés ne jamais te rassasier

Je te voulais le tempérament sanguin, menaçant de se fighter

et la vaisselle sur le sol carrelé fracasser

je te laissais bouder, l'âme en colère, rancunière

pour le plaisir ce même soir de me coller à toi en cuillère

je te voulais ta froideur craquelant

sous un baiser posé dans ta nuque, timidement

je te voulais le corps incandescent, en chaleur

impatient de noyer nos cris en une douce moiteur

Je te voulais un don de serrurier

fracturant mon coffre d'un coup de clé

libérer toutes ces choses enfermées, ensommeillées

tarir ce silence auquel je me suis moi même habitué, résigné

Je te voulais un don sibyllin

apte à craquer mon vernis mondain

d'une intonation percer mon intention

et d'un regard saisir mon désespoir

dans un hoquet reconnaître un fou rire naissant

et d'un sourcil froncé anticiper mes coups de gueule menaçants

Je te voulais semblable au volcan,

éteint en apparence mais brûlant d'un feu couvant

tout de cynisme teinté

masquant une humanité pourtant exacerbée

Je te voulais placide le matin

et l'après-midi pétant ton grain

piétinant costards et tailleurs

pour en tailler au monde entier jusqu'à pas d'heure

Tu vois, j'demande pas la lune, juste un peu de miel

j'serais le premier à scruter anxieusement le ciel

en me disant que décidément, le crétin qui en a fait cadeau

mérite rien de mieux que d'éternels maux

Tu vois j'm'en cogne d'être pété aux as

j'demande juste qu'un atout comme toi passe

juste une bonne main, un de ces bons matins

juste une boussole pour pas me perdre en chemin

Tu vois j'demande pas la vie éternelle

sans dead-line, on serait mornes et tellement superficiels

j'demande pas de super pouvoirs

on en a tous au moins un caché dans nos tiroirs

J'entends autour de moi que j'suis malade d'un cancer très spécial,

d'un rêve qui me consume et me fera tomber de mon pied piédestal

que j'ferais mieux d'écouter mon horloge interne

et de me caser avant qu'on éteigne ma lanterne

Mais voilà, ces malins me font bien marrer

les même à leurs gosses une vie à la Disney font miroiter

alors non, j'attends, sur ce banc là, frappé des minces rayons du soleil mourant

tarde pas trop, pour les mâles de chez moi, le vieux Charron semble avoir de bons arguments

  • j'ai adoré c'est tout

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Default user

    tata

  • Oui, c'est assez fort, honnête et gaillard. Sur le coup, commençant la lecture, je me disais mais quelle prose, quelle facilité... mais j'étais pourtant pas capable d'arrêter, happé par les directs de cette écriture très chaude. Et ben merci.

    · Il y a plus de 11 ans ·
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    Yannick Bériault

  • Je suis étonné que ce texte soit pas mieux noté. Je l'ai beaucoup aimé, à la fois cynique et touchant. Il est simple et fort et c'est exactement le style d'écriture que j'aime

    · Il y a plus de 11 ans ·
    220px lautr%c3%a9amont by vallotton

    Bryan V

  • Agréable et chantant, à l'inverse de l'opinion générale à priori, je trouve vraiment que le texte à le mérite de sortir du lot en mettant sous le projecteur de ses lettres des situations usuelles vue d'une approche incroyablement réaliste, fataliste et cynique. Ça pue la loose et c'est ça qui est bon.

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Dr.house avatar1 orig

    kira

  • Ma fois un style assez maladroit qui devient plus intéressant au fur et à mesure qu'on avance. On se reconnait facilement dans ces " je te voulais ". Ce qui m'a permis de poursuivre le texte était ces mots familiers au milieu du reste et l'envie de voir comment était cette fameuse personne dont tu nous parles. Rien d'extraordinaire mais qui ne se reconnaitrait pas dans ces moments ou on se regarde seul en se disant " tu n'est qu'un looser ". Peut être n'est-ce pas ce que tu as voulut évoquer, en tout cas c'est l'image qui m'est venue. La redescente.

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Japon dos orig

    jone-kenzo

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