jeux de mains

roigoon

Le regard de la maîtresse de maison enflamma les sens de Benjamin à la seconde où elle posa ses yeux lagon sur lui. C'était elle qui était préposée à l'accueil, un peu comme dans ces maisons d'antan où la mère maquerelle recevait ses clients triés sur le volet comme des amis de longue date. Il ne put s'empêcher de la détailler lorsqu'elle les précéda dans le corridor. Édith, sa femme, lui donna un léger coup de coude en guise de connivence. Elle connaissait son attirance pour les vraies rousses. Les talons vertigineux de leur hôtesse lui donnaient une démarche chaloupée. Sa tunique pourpre, d'étoffe légère, s'accordait parfaitement avec la couleur de ses cheveux. Édith, l'œil averti, devina que ce savant mélange tentait de cacher quelques rondeurs. Elle imagina déjà son mari les caresser ; puisqu'ils étaient là pour ça.

Alexandra, en parfaite femme du monde, fit les présentations. Ils étaient six ; trois couples. Les femmes en robe, les hommes en costume, comme le préconisait le site Internet spécialisé par l'intermédiaire duquel ils s'étaient contactés. C'était un premier rendez-vous ; celui qu'ils appellent pudiquement "le premier verre". Les habitués conseillaient ce protocole dans les forums dédiés. Mi-gênés, mi-curieux, ils se serrèrent la main, se jaugeant de façon discrète. Benjamin constata que les photos étaient assez réalistes à l'exception du visage d'Alexandra qui était constellé de tâches de rousseur, ce qui n'était pas pour lui déplaire.

Pour le moment, les mots ne collaient pas aux images. La conversation était des plus chaste. Stéphane, l'époux d'Alexandra, les mit à l'aise en leur offrant du Champagne. Très vite, il se comporta en maître de cérémonie car ses invités, ce soir, étaient des débutants. Il ne fallait pas les brusquer. Les hommes faisaient semblant d'être décontractés mais leurs regards brillaient d'une lueur enfantine. Les femmes, à l'exception d'Alexandra, minaudaient. Elles tentaient de cacher une grande excitation. D'emblée, le vouvoiement fut abandonné. Au bout d'une heure de bla-bla en demi-teinte et de verres avalés plus vite qu'a l'accoutumée, les pièces de l'échiquier érotique se mirent en place.

Alexandra et Stéphane maîtrisaient la situation. Ils distribuaient les sourires et les contacts furtifs. Leurs invités étaient à leur goût. D'ailleurs, même s’ils ne l'avaient pas été, de par leur éducation, ils n'en auraient rien su. Stéphane enveloppait d'une main protectrice les dames, lorsqu'il leur servait du Champagne. Il les rassurait et elles lui en étaient reconnaissantes. Benjamin, un peu plus jeune, en ressentit une légère jalousie. Il enviait l'assurance de son aîné. Pierre, le troisième homme, un peu en retrait, observait en s'esclaffant aux moindres mots d'esprits des uns et des autres. Ses yeux caressaient les femmes l'une après l'autre, même la sienne, comme si son choix n'était pas encore fait.

Les protagonistes étaient tous plutôt beaux, du moins, possédaient-ils un charme hors du commun. La présélection avait été efficace. Stéphane brisa le ronron de la discussion, qui tournait autour du pouvoir du sexe dans la société, en proposant un jeu : un jeu de mains. Personne ne le contredit. On entrait dans le vif du sujet. Les gestes des uns et des autres trahirent une certaine impatience : Florence croisa et décroisa les jambes en faisant crisser ses bas ; Édith passa ses doigts dans les cheveux et ébroua sa longue chevelure brune.

Alexandra, sortit un pochon dans lequel se trouvaient des jetons de couleurs. C'est Florence qui fut tirée au sort. Stéphane, avec assurance, lui banda les yeux. Les autres se badigeonnèrent les mains d'huile de massage sous la supervision d'Alexandra. Le jeu consistait à découvrir à qui appartenaient les mains que Florence allait caresser. C'est Pierre, son mari, qui s'y colla en premier. Leurs mains jouèrent, lentement, timidement, jusqu'à ce que la jeune femme crie le nom de son époux dans un éclat de rire. " J’ai reconnu son alliance " s'exclama-t-elle presque en s'excusant. Stéphane prit la suite et entreprit de lui masser les paumes avec les siennes tout en enlaçant ses doigts. L'intimité ainsi obtenue troubla Florence. Elle dansait d'un pied sur l'autre en sentant la rougeur colorer ses joues. Elle devina immédiatement l'assurance du maître de maison mais s'abstint volontairement de toute parole. Stéphane fit durer le plaisir. Seule la musique habillait le silence de la nuit et cachait les respirations qui s'accéléraient. Il brisa le rythme en guidant ses doigts devant sa bouche. Il lui lécha l'intérieur des phalanges comme pour indiquer qu'elle avait perdu, qu'elle n'avait pas deviné. Cette langue chaude et humide l'électrisa. Elle l'imagina lui fouillant l’entrejambe. La prestance de Stéphane lui plut à la première seconde. Ses cheveux grisonnants dégageaient une sagesse envoûtante.

      Trop vite, Alexandra fit approcher Benjamin qui prit le relais. Il copia celui qui devenait son mentor en s'enhardissant. Il appuya ses caresses sur les avant-bras de la jeune femme qui frissonna dans un spasme. "Benjamin" dit-elle dans un murmure rauque. Son trouble était visible.

Édith fut désignée pour la deuxième épreuve. Toujours les yeux bandés, elle devait s'approcher du cou des hommes et les deviner en fonction de leur odeur. Jeu facile et classique qui avait également pour but de briser la glace. Elle fit durer le plaisir en effleurant des lèvres l'épiderme masculin. Elle reconnut immédiatement le "Terre d'Hermès" offert à son mari pour la fête des pères mais s'abstint du moindre commentaire. Elle papillonna de l'un à l'autre guidée par Alexandra. Dans le mouvement, ses seins dont elle sentait durcir les pointes, s'appuyaient sur le torse des hommes. Elle se demanda si cet afflux sanguin était réciproque. Elle avait volontairement omis de mettre un soutien-gorge. Ses seins étaient ce dont elle était le plus fière. Volumineux et sensibles, elle connaissait leur effet sur les hommes. Des circonstances exceptionnelles, comme aujourd'hui, pouvaient même lui faire atteindre l’orgasme rien qu’en les titillant.

Elle fit un sans-faute. Ce n'était pas difficile. Le parfum de chacun correspondait exactement à sa personnalité. L'odeur de Pierre, douce, discrète, lui inspira la tranquillité de la mer au couchant. Pourquoi cette fragrance la projeta-t-elle dans le passé, quand elle vivait avec le sosie de Ross, le héros de la série Friends ? C'était le premier homme à la faire jouir ; vraiment ; jouir avec un grand J. Elle se souvenait à peine de Sa première fois mais le sexe de "Ross", lui, ne l'avait jamais quittée. Son souvenir lui était même utile lorsqu'elle avait du mal à atteindre l'orgasme avec Benjamin, ce qui malheureusement devenait de plus en plus fréquent. Elle ne put cacher son trouble lorsqu'elle ôta son bandeau. Stéphane la fixait de façon bienveillante. Il semblait lire en elle. Ils firent une pause bienvenue avant d'entamer le troisième round.

Alexandra tendit à Édith la bande de tissu afin qu'elle l'aide à l'enfiler. C'était son tour. La proximité de la jeune femme envoya un effluve légèrement acide loin d'être désagréable. Le trouble envahit Édith. Elle n'avait jamais été attirée par une femme. Que se passait-il ? Curieuse avant tout et surtout pour faire plaisir à son mari, elle ne se doutait pas que cette expérience puisse être aussi troublante. Ce fantasme au féminin était une révélation. Elle chercha son compagnon du regard. Il lui offrit un sourire réconfortant. Les difficultés sexuelles qu'ils rencontraient l'avaient convaincue de plonger dans l’inconnu du libertinage. Elle tenait avant tout à l'équilibre de son couple. Le danger s'était installé depuis qu'elle n'avait plus de libido envers cet homme qui était pourtant un mari délicieux et dont elle craignait maintenant les assauts répétés.

Alexandra, guidée par son mari, s'allongea sur la table basse préalablement débarrassée. Ce dernier invita les convives à s'agenouiller autour d'elle. Il expliqua que le but du jeu était de lui faire atteindre l'orgasme. Tout était permis sauf lui toucher le sexe ; du moins, au début. Alexandra refréna un sourire. Que n'allait-il pas inventer ? Son compagnon la surprendrait toujours. Il composait cette soirée comme un metteur en scène dont le scénario n'était connu que de lui. Quelle capacité d'imagination !  Très vite, au début, elle avait compris que cette relation avec Stéphane ne serait pas de tout repos. Elle sortait d'une vie maritale sans surprise. Même son divorce avait été ennuyeux. Alors l'irruption de cet homme dans sa vie avait été une bénédiction. Complètement à l'opposé de ce qu'elle était par le passé, elle était devenue une femme soumise, prête à tout pour satisfaire son maître. Des années à s'occuper d'une famille dont le mari était devenu le dernier enfant avaient annihilé toutes ses aptitudes sexuelles. Aujourd'hui, l'ennui avait quitté son vocabulaire quotidien et le bonheur avait repris sa place.

Les invités posèrent les mains sur elle. Stéphane glissa les siennes sous la tunique invitant l'assistance à faire de même. Personne ne se fit prier. Benjamin remonta sur ses seins qu’il découvrit avec avidité. Les femmes, sans se concerter, s'occupèrent des cuisses jouant avec l'élastique du string. Pierre commença par embrasser son ventre puis, fit des figures concentriques autour du nombril avec sa langue. Très vite, Alexandra se mit à soupirer d'aise. Elle aimait cette sensation de contacts multiples, telle une pieuvre jouant de ses tentacules. Tout cela était possible grâce à Stéphane avec qui elle avait retrouvé une confiance totale. Rien de mal ne pouvait lui arriver tant qu’il était là. La tunique et la lingerie disparurent en un tournemain. Son corps blanc à la peau constellée offrit sans pudeur une toison orange. Les femmes s’enhardirent jouant de leur bouche. Sans un mot, Stéphane dégrafa les pantalons des hommes et libéra leurs sexes devenus trop serrés. Toujours en silence, il les guida vers sa femme. Alexandra les engloutit chacun leur tour sans savoir à qui ils appartenaient. Benjamin faillit défaillir en sentant cette douce chaleur humide. Édith observa ce va-et-vient buccal. Étrangement, Voir son mari sucé si profondément lui donna envie de boire au calice de la pécheresse. L'odeur acidulée qui se dégageait de cette fente ouverte, à quelques centimètres de son visage, l'attirait inéluctablement. Elle se retenait de ne point se jeter sur ce fruit défendu afin d'en découvrir le goût. Cette proximité l'excitait au plus haut point. N’y tenant plus, elle glissa la main dans sa culotte, rejointe rapidement par celle de Pierre. À cet instant, elle était au bord de l’orgasme. Stéphane, délicatement, présenta son sexe et commença à frotter son gland sur l'ouverture de son épouse. Florence et elle joignirent leurs bouches à cette bacchanale. Alexandra gémit. Un son rauque sortit de sa gorge, comme un chant de sirène. Ce qui décupla le désir de l’assemblée. Les deux femmes, libérées, jouèrent une sarabande à deux langues, se rencontrant souvent autour du pieu de Stéphane et des lèvres d'Alexandra, qu'elles léchaient maintenant à loisir. Quand Alexandra appela son mari, éjectant le membre qu'elle avait dans la bouche, ce dernier la pénétra d'un coup sec qui lui arracha une plainte sourde, venue du plus profond de son corps. La maîtresse de maison se cambra comme un arc et hurla sans vergogne. Elle n'était que plaisir et béatitude. La scène torride fit éjaculer Benjamin sur sa poitrine. Florence se saisit de son sexe et le branla frénétiquement afin d’en extraire la dernière goutte. Édith, engloutit à pleine bouche celui de Pierre. À peine l'eut-elle saisi qu’elle sentit le liquide chaud l’envahir par saccades musclées.

Les minutes qui suivirent ne laissèrent échapper aucunes paroles ; chacun recouvrant ses esprits. Sourires de connivence, caresses furtives, baisers échangés, occupèrent les silences mais déjà, l’envie reprenait le chemin de l’acte II de ce concert inachevé. 

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