Jeux d'enfants

Quand je marche sur un passage piéton, je saute de bande blanche en bande blanche, pour éviter que les crocodiles me croquent les orteils.

Quand je vois une boîte de Banania, je tire la langue.

Quand je mange une mandarine, je dispose les quartiers à la queue leu leu pour jouer au petit train le temps de mon goûter.

Quand un personnage fait un clin d'oeil à la télé, je ne peux pas m'empêcher de répondre.

Un jour, ma mère m'a dit : « Dans la forêt, quand les fougères cachent le sol et qu'il n'y a aucune visibilité, il faut chanter pour faire fuir les serpents. » Depuis je chante tout le temps, surtout dans le métro.

Chaque fois que je le peux, je mange avec les doigts et je lèche mon assiette.

Je prive les pâquerettes de leurs pétales pour faire comme dans les films, mais comme ce ne sont pas des marguerites, il y a toujours trop de pétales et j'abandonne.

Quand je m'ennuie dans le métro, je baille ostensiblement pour lancer une vague contagieuse qui atteint tout le wagon.

Dans les cimetières, je cherche les noms les plus pourris ou les plus rigolos sur les tombes et me fends la poire au milieu des morts.

Quand je raconte une anecdote je fais les bruitages avec ma bouche.

Quand un portail s'ouvre ou se ferme, je place mes mains de telle sorte que l'on croie que je suis à l'origine de ce prodige et que je suis douée de télékinésie.

A la gare ou dans le métro, je bouge toujours les lèvres en playback, comme si c'était ma voix qui sortait des hauts parleurs. Ça marche aussi quand ils annoncent le numéro complémentaire du loto.

Quand je suis seule face à un miroir, je fais des grimaces.

J'imite naturellement la voix et le ton de mes interlocuteurs, même quand mon prof de philo me dit merci avec une voix suraigüe sans s'en rendre compte que je réponds par un de rien dans les mêmes fréquences.

Quand je m'ennuie en cours, je regarde par la fenêtre les pigeons et je leur invente une vie.

Je mets du sucre dans mes épinards pour passer le goût.

Je mange toujours d'abord la couche de chocolat et ensuite la glace à la vanille des Magnum.

Je ne monte jamais dans les toboggans par l'échelle.

En voiture, je lis tous les panneaux publicitaires qui croisent notre route.

Je veux toujours avoir la cuillère de princesse.