Jeux d'ombres

aile68

Reconnaître un homme à sa silhouette, à sa démarche, à sa main qui se tend vers la femme qu'il aime. Quand son ombre se distend sur la plage, sur la grève, s'amenuise sur le sable, je le reconnais encore à la fumée de sa cigarette, il parle et parle à la femme, se tourne vers elle et veut l'embrasser. L'ombre de la femme se laisse approcher, se joint à l'homme qui l'aime. Moi j'aime cet homme que je reconnaîtrais entre mille, je le regarde et je le perds au fur et à mesure que son ombre s'effile, et disparaît dans la mer. C'est moi qui disparais aussi, qui me cache, qui me fond au rocher derrière lequel je vois tout, je deviens pierre, je deviens friable, je pourrais me décomposer une nuit d'orage, attaquée par les vagues, les déferlantes, les déchets que la mer vomit. Combien d'histoires d'amour cachent les mers, les océans, combien d'espoirs déçus contiennent-ils? Réagir, me battre contre les sentiments assassins, l'amour peut faire mal, blesser, tuer, ne jamais le laisser faire, prendre le dessus. Me détacher de ce rocher, redevenir la femme que j'étais avant d'aimer cet homme ou son ombre. Remplacer la femme qu'il aime ça jamais! Sur la grève mon ombre s'étend, se rapproche du couple amoureux, puis s'éloigne vers les balançoires où jouent des enfants rieurs et insouciants à qui j'ai envie de ressembler en ce moment.

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