Jogging

Valérie Girault

Ce matin, la plage et la forêt m'appartenaient. J'ai entendu des chasseurs ; je n'aime pas les chasseurs. J'ai eu peur de prendre une rafale de plomb dans le visage et j'ai accéléré la cadence ; j'ai perdu le rythme et je leur en ai voulu. J'ai aperçu des bucherons, ils ne me dérangent pas s'ils sont à une distance raisonnable. J'ai croisé aussi des coureurs aériens. Pas de biche, ni de chevreuil. Je les comprends. J'ai pensé que j'avais bien fait d'acheter un sèche linge, et que les jours allaient bientôt rallonger et j'ai bien aimé l'idée. J'ai continué sur les sentiers boueux. J'ai pensé à la liste des courses, mais j'ai vite chassé ça de ma tête. J'ai du sécréter pas mal d'endorphines parce qu'à un moment, j'ai oublié que je courais, j'ai oublié les racines et le sol glissant. Je me suis dit qu'une telle beauté ne pouvait pas être le fruit du hasard. Et il m'a semblé un instant que je ne faisais plus qu'un avec le reste ; j'aurais pu paniquer mais non, j'aurais aimé que ça dure. J'ai rejoint la route, le macadam et les voitures; Je souriais, j'ai pensé qu'un hamburger frites serait parfait pour ce soir. Du poisson pané au congélateur pour ce midi et le plein du frigo chez carrefour cet après midi. Je me suis dit que j'étais prête à affronter les caddies et la fille du micro.

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