John et Jesús

Apolline Mariotte

La la la, la la la la la,
La la la la la la la la,
Appelés à la liberté,
La la la la la la la la !

Après avoir franchi plusieurs lourdes portes, nous parcourons les couloirs qui nous séparent de nos amis. Dimanche matin, 8h15. Les notes de piano et les accords de guitare ont raison de notre léthargie et le réveil matinal n'est plus qu'un lointain souvenir.

Assis derrière un clavier, John. Antillais. Il connaît tout le monde. Son large sourire laisse apparaître ses dents blanches. On lui donne le bon Dieu sans confession.

Une guitare sur les genoux, Jesús. Colombien. Plus timide, il reste dans son coin. Ses cheveux d'ébène sont retenus en un catogan mi-long. Une gueule d'ange.

Ensemble, ils répètent et chantent à tue-tête, tapant du pied en rythme. En ce dimanche de l'Avent, notre visite durera deux heures. Pour nous, le lieu est plutôt inhabituel. Eux en sont pensionnaires depuis 39 mois, et encore pour 57 mois.

Deux heures suspendues dans la semaine, comme une permission pour eux de s'évader, de confier leur peine à Celui qui dépasse les murs, au gardien de leur âme.

Car ce jour là, il y avait Jesús et Jésus aussi.

Soudain, à la fin de l'office, un uniforme, bâtiment B ! John et Jesús abandonnent leurs instruments et quittent la pièce. Les numéros d'écrou 23 349 et 52 702 ont rejoint leur cellule.

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