Josiane, kill ton destin (part 3)

poulpita

Episode 3 de la vie de Josiane. Au menu, la vie, la mort, un tire-bouchon, des tournants.

Josiane déambule sur le boulevard Rocher, sans but. Sauf celui d'écouler les trente minutes qui la séparent de son rendez-vous avec Terry. Les sacs tirent sur ses doigts. Un peu lourd à gauche. Un peu cisaille à droite. Elle ajuste, balance, contre balance, équilibre. Au milieu de sa danse maladroite, une démangeaison. Derrière le genou. Vive comme une piqure. Sa peau crie. Gratte-moi, gratte-moi. Injonction du corps. Elle pose ses sacs, se penche et se gratte avec délice. Dans le creux, là. La toile de son jean lui râpe la peau. Soulagement. On est peu de choses.

Shphling. Poc. Un grand fracas et un bruit sec. Un pot de fleurs s'écrase sur le trottoir devant ses pieds. Un objet métallique rebondit et vient rejoindre les dahlias suicidées. Dans l'immeuble qui a vomi ces objets, rien n'indique une quelconque activité. Un one shot. De l'autre côté du trottoir, les passants se retournent, jettent à Josiane un regard sévère. Comme si elle avait le pouvoir de faire tomber des objets du ciel. Elle invoque en silence un piano à queue. Pour voir. Rien malheureusement. Elle reprend ses sacs et enjambe les débris qui forment un rond irrégulier sur le trottoir. Le tire bouchon, modèle Général de Gaulle trône sur le tas de terre. Entre deux fleurs rouges. Tête renversé. Bras levés. Saut dans le temps. Son enfance. A la campagne, sur les plages, au camping, sur les aires de repos. Le tire bouchon, élément essentiel de sociabilité. Excusez-moi, oublié, c'est ma femme, petit rire complice, tellement dommage, bonne bouteille, vous venez d'où ? Le tour était joué, on partageait les bouteilles, le rosé, le rouge. Pas le blanc. Le blanc avait mauvaise réputation dans le famille de Josiane. Une phobie de son père. Comme l'épanouissement de soi. Ça se voyait, il portait ça en lui. Faire chier les gens, ses proches, c'était une religion chez lui. Se mettre entre eux et leur bonheur. Josiane. Choisir un tel prénom. Fallait vraiment être mauvais. Hop là. Josiane avait elle aussi ses détestations. Mais elle les gardait dans un hangar. Dans des boites de toutes tailles, de formes variées. La petite boîte ronde ? Son bob Ricard. Porté de force entre 4 et 6 ans. Si mignon, si droôole. Le carton épais, carré ? Sa collection de chaussons de danse. Une fille ça doit être gracieuse et danser - inutile de chercher le lien avec le bob Ricard. Les chaussons pointes partaient en lambeau. La nuit, elle les grattait avec le couteau à dents. La rage au cœur. La rage de la petite fille boulotte et raide comme un piquet qu'on humiliait chaque mercredi après-midi, avec les autres filles du quartier. Autre détestation ? Un pot plein de stylo bille. Noir. Bleu sombre. Bon marché. Peu fiable. En rade les jours d'examens. Sa hantise. Manquer d'encre. Ne pas écrire les mots. Il lui semblait apercevoir dans son hangar un nouveau colis. Jeté en vrac. Largué en express. Absent de sa précédente rêverie. Un truc long et plat. Deux mètres de planches, vaguement recouvertes de peinture or. Un sarcophage. Josiane l'ouvre. Dedans. Son mari. Blanc comme un linge. Martin. Momie Martin.

[A suivre]


Note :

* épisode suivant

part 4- http://welovewords.com/documents/josiane-kill-ton-destin-part-4

* épisodes précédents

part 1 - http://welovewords.com/documents/josiane-kill-ton-destin-part-one

part 2 - http://welovewords.com/documents/josiane-kill-ton-destin-part-two

Signaler ce texte