JULIA REPREND SON SOUFFLE

sylvie-frey

CE CONTE SYMBOLIQUE PARAIT PAR EPISODES CHAQUE SEMAINE. IL EST DESTINE A L'ENFANT QUI EST EN CHACUN DE NOUS.

ATTENTION : CA N'A AUCUN SENS SANS LES 1ERS EPISODES

EPISODE 3

De retour chez elle, Karisma se mit à réfléchir. Elle avait beau être une sorcière-ressources et avoir accès à des choses secrètes et inaccessibles pour le commun des mortels, cette rencontre la bouleversait.

Sa vie d'ermite ne lui pesait pas car elle passait une bonne partie de ses journées dans la nature. Elle cultivait des plantes de toutes sortes et en particulier des herbes médicinales pour préparer ses potions.

Elle avait aussi développé un sens très aigu de la communication avec les animaux et en particulier ceux qui accompagnent  habituellement les sorcières.

C'est ainsi qu'elle vivait avec son chat-assistant tout roux Bouddha, sa fidèle chouette Vénus et un splendide loup blanc nommé Totem. Ce loup avait été réintroduit dans les Vosges quelques années auparavant et dès leur première rencontre, leur relation s'était teintée de respect et de confiance.

Elle passait beaucoup de temps avec eux et avait mis au point, grâce aux secrets de son grand-père, une collaboration indispensable dans l'exercice de sa pratique.

Bien qu'inséparables, elle leur avait demandé de rester discrets lors de la visite de Julia dans son repère. Mieux valait ne pas trop l'impressionner la première fois !

Karisma pouvait également communiquer avec tous les autres animaux de la forêt en cas de besoin.

En fin de journée, quand le soleil disparaissait derrière les sapins, elle rentrait dans sa maison et se penchait sur son grimoire, Bouddah trônant à ses côtés. C'était alors l'heure de sa tisane revigorante.

Que de souvenirs ! Elle se revoyait petite fille avec son grand-père. Très tôt il avait commencé à lui parler de ses secrets de guérison.

Des gens passaient le voir avec de vilains eczémas et revenaient quelques jours plus tard le remercier, guéris et reconnaissants.

Les bouchers des environs qui se coupaient souvent en préparant la viande et souffraient de douloureux panaris ne tarissaient pas d'éloges car ils évitaient régulièrement l'amputation d'un doigt.

Il y avait aussi des gens qui souffraient des yeux, de zonas, de brûlures, d'ulcères et de tas d'autres maux dont elle ne comprenait pas grand-chose à l'époque.

Il lui racontait également les secrets pour arrêter les chevaux emballés ou même ceux qui pouvaient "barrer" les incendies mais elle n'en avait jamais été témoin.

Que d'heures passées avec lui les jeudis, jours de congé dans sa jeunesse et pendant les vacances dès qu'elle avait été en âge de lire et écrire couramment.

Le cahier de secrets était tellement vieux et avait tellement servi qu'il tombait en lambeaux. Ensemble ils le recopiaient inlassablement dans un lourd grimoire qu'elle avait du mal à soulever. C'est là qu'au fur et à mesure des années elle avait rajouté ses propres recettes.

L'encre du vieux cahier jauni avait pâli et la belle écriture calligraphiée était très difficile à déchiffrer.

Pas un jour pourtant elle ne s'était impatientée, si fière d'avoir été choisie par son grand-père pour lui succéder.

Elle lui avait promis aussi de ne jamais exploiter ces dons pour s'enrichir car ils perdraient alors de leur pouvoir.

Ses parents ne prenaient pas cela très au sérieux et ils tenaient surtout à ce qu'elle fasse de solides études pour apprendre un métier. Elle était alors devenue infirmière, ce qui lui permettait d'utiliser discrètement ses dons pour soulager les malades.

Une vie de dévouement bien remplie s'était écoulée lentement. A la retraite elle s'était installée dans cette petite maison sur un bout de terrain légué par son grand-père, dans sa forêt chérie.

Elle avait vécu si discrètement que personne ne se doutait d'autre chose que de son pouvoir de guérir certains maux. Nul ne savait surtout qu'elle avait développé des compétences surnaturelles plus secrètes, réservées aux véritables sorcières.

Elle-même ne s'en était rendu compte que par hasard en lisant une formule magique... qui avait fait son effet, à sa grande surprise !

Ele avait alors fait des recherches généalogiques qui avaient révélé que jadis, plusieurs de ses aïeules avaient été considérées comme des sorcières. L'une d'elles avait même été pourchassée et avait disparu avant d'être brûlée vive.

Au tout début de son installation dans la forêt, les vieux avaient encore le réflexe de la solliciter régulièrement pour leurs problèmes mais avec le temps,  elle vit de moins en moins de monde.

Les jeunes avaient pris l'habitude de consulter des spécialistes de toutes sortes et les années passant, on se mit à l'appeler "la sorcière" avec un dédain mêlé de crainte.

C'était le soi-disant progrès !

Oh, elle n'était pas aigrie pour autant ! Elle avait développé la capacité d'être satisfaite de ce que la vie lui apportait. Chaque jour était source de joies et elle avait fait sienne cette prière :

"QUE JE TROUVE LA SERENITE D'ACCEPTER CE QUE JE NE PUIS CHANGER,

LE COURAGE DE CHANGER CE QUE JE PEUX CHANGER

ET LA SAGESSE DE FAIRE LA DIFFERENCE"

Ce qu'elle ressentait était étrange. Plonger dans ses souvenirs la rendait nostalgique et en même temps, elle sentait monter en elle comme une sève vivifiante, une espèce d'appel vers un renouveau, les prémisses d'une grande aventure.

Serait-ce la rencontre avec la petite Julia qui l'émouvait à ce point ?

Bien sûr il était prématuré d'envisager de lui transmetrre ses secrets mais un sixième sens particulièrement développé l'alertait. Elle entendait le petit signal dans sa tête qui lui indiquait que quelque chose d'important était en train de se jouer et elle avait bien l'intention de l'écouter.

Cette petite lui plaisait bien et elle semblait avoir les prédispositions requises pour lui succéder.

Restait à savoir si tout se déroulerait selon ses prévisions et ses désirs...

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