Jusqu'au bout

ap0zys

Elle est impitoyable. Je suis à sa merci. Chronique d'une libération rêvée.

Je suis dans mon lit, il est tard, très tard, très très tard…Trop tard.
J'ai beau fermer les yeux, le sommeil ne me trouve pas. Je me tourne et me retourne, inlassablement.
Les pensées s'entrechoquent, il ne me suffit que d'un quart de seconde pour penser à elle. Je sais que je n'aurais pas du! Elle va revenir me hanter, recommencer ses murmures, répéter ses horreurs.
Cette fois, il a fallu moins d'une minute pour que je la voie se faufiler dans ma chambre, intacte, sa longue silhouette élancée, ce visage pointu et mesquin que je connais par cœur.

Elle se plante devant moi et me sourit.


- Salut ma belle! Je t'ai manqué?


- Arrêtes avec tes entrées de dramaturge, tu sais bien que tu ne me laisses pas assez de temps pour ça…


Elle reste debout à me fixer sournoisement, elle ricane et me lance.


- On est un vrai petit couple maintenant toi et moi, on a même une routine.


Je la fusille du regard, elle ne flanche pas et continue.


 - Tu es quand même une sale ingrate ma fille, tu oublies qu'on a tout vécu ensemble. Je suis restée moi, alors que les gens n'ont fait que traverser ta vie, je suis la seule à être toujours là, depuis des années, jours et nuits, je ne compte plus les heures. Même lorsque tu me haïssais j'étais là!
Tu finis toujours par me rejeter, tu essaies de me combattre, tu es ridicule! Toi, petit pantin, tu ne peux pas me battre, mais tu t'obstines comme une idiote à batailler avec du vent.


- Tu ne t'es jamais dit que c'est peut être à cause de toi que les gens n'ont fait que passer? Que tu prends trop de place dans ma vie? Bordel, qu'est-ce que j'ai fait pour que tu me harcèles à ce point? Va voir ailleurs, si l'herbe est plus verte, tu as fait faner la mienne il y a bien longtemps déjà…
Notre débat est éternel; je ne veux pas de toi, et tu ne veux pas partir. Je ne peux peut être pas gagner ce combat, mais je n'ai plus rien à perdre, tu m'as tout pris, tout enlevé, mes rêves et mes espoirs. Tu t'es amusée à éteindre chaque lueur qui naissait en moi, tu te complais dans la noirceur que tu crées.


Elle déforme son visage et tente avec un air charmeur


- Tu sais que j'aime quand c'est désolé… Ne dors pas, restes avec moi, fais moi plaisir, laisses moi dévorer ton esprit de questions, permets moi d'envahir tes veines de mon fluide glacial. Donnes moi ton corps, on s'amuse tellement tous les deux!
Mais j'y pense! Je n'ai pas besoin de ton accord, je n'ai qu'à tout prendre…


Elle se moque infatigablement de moi, je ne peux plus lutter, je sors ma dernière arme.


- Il est venu me voir tu sais, ton ennemi juré! Il m'a dit qu'il serait bientôt là, et qu'il prendrait ta place, il sait que tu as fait trop de dégâts, et l'ordre des choses va revenir.


Elle se renfrogne, vexée.


- Tu peux dire toutes les bêtises que tu veux ma belle, mais ce soir ton ami le bonheur, ce mirage, n'est pas là, je ne l'ai jamais vu d'ailleurs. J'ai essayé de te faire comprendre que c'était une légende, de te forcer à tourner en rond, pour que tu ne t'en sortes jamais.
C'est moi, ton angoisse, je nourris tes peurs et ton ulcère, je suis là, il n'y a que nous. Maintenant tu vas me faire de la place dans ton lit, je vais me glisser sous tes draps, tu vas te laisser aller, succomber à mes avances, comme d'habitude, et je vais t'enlacer…



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