Jusqu'au bout du chemin
molita
Jusqu’au bout du chemin
C’est le début de ta fin de vie. Tu désirais tellement venir chez moi pour poser ta valise. Tu me l’avais tant demandé. Etre certain que Maman serait entourée. Enfin, après quelques mois de patience où l’on devait attendre que maman sorte de l’hôpital, après avoir parcouru les deux cent kilomètres, je vous ai installé chez moi. Tout était prévu pour vous deux. Le lit médicalisé pour maman, la place pour son fauteuil roulant et son lève malade. Je m’étais organisée. En partant de chez toi, tu savais que tu ne reviendrais plus dans ta maison. Ton regard en disait long en quittant ton chez toi. Je le savais, je savais ce que tu voulais au plus profond de toi.
Tout juste quarante huit heures après votre arrivée ici, l’ambulance te transportait jusqu’à l’hôpital. Ce n’était pas ce lieu que tu avais rêvé pour ta dernière demeure mais, hélas, tu n’as pas eu le choix. D’un service de médecine tu as été accueilli dans un service de soins palliatifs ou tu n’as pas souffert, ou le personnel était bien au-delà de leurs compétences professionnelles, des êtres humains à part entière. A travers mon récit, je veux prendre du temps, là, maintenant, pour les saluer, les remercier, les embrasser.
Arrive le moment où tu t’enfonces dans ce sommeil profond appelé coma. Le médecin ne comprend pas et me dit que tu devrais déjà être parti. Moi non plus je ne comprends pas ce qui te retient. Et puis, un soir, je réagis. Je dis au médecin que je vais te parler dans le creux de l’oreille. Que je sais pourquoi tu es encore là. Tu attendais mon signal de départ. Alors, je suis entrée doucement dans ta chambre, je me suis approchée de toi, je t’ai pris la main et je t’ai dit lentement, calmement :
« Moi je suis là près de toi, tu peux partir.
Maman est en sécurité, tu peux partir.
Les murs de ta chambre sont bleus. Tu es dans la chambre bleue. Les murs de ta chambre sont tranquilles, n’ai pas peur.
Avec toi pour l’éternité, tu as le droit de partir.
Tiens, je pose ton ours près de toi. Celui de ton enfance, il te connaît tant. Comme tu le souhaites il restera près de mon petit fils Lucas. C’est cela mon beau papa, ne t’inquiètes pas »
Puis je suis restée tout contre toi et à peine une heure après, tu t’en es allé. Tu étais parti rejoindre ta mère, ton frère et mon frère, ton fils. Alors je me suis rapprochée à nouveau de toi et je t’ai dit :
« Tu es parti, tu es parti un sourire en coin. C’est ça ton secret ? »
Et maintenant je te dis en m’approchant du lieu où tu te trouves :
« Tu vois Papa, depuis que tu t’es envolé, Lucas et ton ours dorment ensemble, rêvent ensemble, lisent, sourient, ensemble ils vivent. On se demande ce qu’ils ont tant à se raconter. Peut-être parlent-ils du secret de ta force ? Et ils le gardent ton secret, tout illuminé. Sans doute pour qu’on essaie de vivre plus facilement ».