"Juste un doigt"

eminence

sussura-t-il à sa douce oreille. Elle le prit au pied de la lettre et procéda à son exécution, armée de sa seule phalange...

Défier une femme au ventre brûlant

C'est courir à la perte, de ses sens au moins.

Imelda n'était plus en état de réfléchir, seulement de se soumettre à cette injonction originale. Diplomatique manœuvre qui lui donnait totalement la main sur la suite des événements.

Ils n'avaient pas grand-chose

Ni la place, ni le temps. Une rue sombre et un mur pour s'appuyer, quelques minutes de tranquillité, une tension palpable. Oui très palpable selon son bas ventre appuyé à lui.

Le doigt

Était le prolongement fin et souple d'un corps tout entier chargé d'électricité amoureuse. Un doigt flânant mais décidé, soigné mais pas fardé, un doigt agile et sensible comme l'intellect de celle qui le dirigeait.

Contre toute attente -du supplicié, le doigt monta. La belle s'était écartée de la bête : le toro brutal comprend-t-il les subtilités du matador ? Un doigt, c'était le règlement. Elle s'y appliquerait.

La banderille

Se dirigea, pointée, vers l'oreille qu'elle caressa presque imperceptiblement. Du lobe vers la conche, à rebrousse poils, qu'il avait drus et érigés. Il frissonna et tenta de coller à son bourreau, dans une approche quasi taurine. Elle dut lutter contre elle-même, saisie d'une envie comparable... mais esquiva en véronique, laissant au passage sa main descendre vers la nuque.

L'animal

Se courba, hésitant entre lutte et soumission. Tout entier tendu, à l'écoute, sensible à ce contact minime et monstrueux, il se raidissait. Le doigt descendait sur sa nuque, entre délice et supplice... Frisson, palpitation. Elle n'en menait pas large, ses propres entrailles jalousant la torture infligée...

Les esprits

S'échauffaient inversement proportionnellement à cette subtile activité. Le doigt descendait enfin, pas assez vite, pas au bon endroit, pour le mâle, sous sa chemise, mais sans peser, stimulant mille terminaisons nerveuses.

Le temps

Était difforme, comme l'enchevêtrement incompréhensible de leurs corps écartés-emboîtés. Distorsion de l'espace temps, suspension absolue des esprits en surchauffe dans une attente infernale.

Le doigt les liait, cristallisait leur retenue. Leur imagination débordait, les emportait dans un désir de fusion.

La fusion

L'emporta elle, d'abord, fragile combattante. Lui ne sut rien des tressaillements qui l'envahirent, elle, par surprise et se répétèrent longuement. Elle étouffa un cri rauque, se retint d'utiliser son autre main pour éteindre plus rapidement le feu qui l'habitait. Il n'aurait rien vu. Mais non, elle poursuivit son office vaillamment, passant son doigt sous le ventre de l'animal, serrant si fort ses propres jambes que ses genoux en tremblaient.

Le coup de grâce

Fut porté avec tact et sans hésitation. Le doigt assaillant n'eut pas besoin de carte pour atteindre un point en altitude. L'amant courbé en arrière s'offrait à la subtile caresse du doigt : vêtement tendu et béant, fierté virile offerte à la main habile.

Le doigt glissa le long de la hampe. Un arrêt appuyé, deux peut-être, furent marqués sur le frein douloureux. Il goûta enfin l'extase de sa reddition et elle son doigt, où perlait la preuve de son succès.

Un baiser à la saveur salée conclut cette joute brûlante...


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