Juste une main et son poignet

Stéphan Mary

 

Il fait gris ce matin sur la cathédrale

D’une voix chevrotante elle gémit dans un râle

Ambiance hiver des sans donateurs fixes

Une petite pièce monsieur pour mes suffixes

Mes préfixes mes précipices

Un regard c’est tout bénéfice

Racontez moi la France d’en bas

Celle qui est plus haute que moi

Moi la vieille femme édentée

Sur un bout de trottoir décharné

Je ne demande pas la charité

Juste une main et son poignet

Il paraît que dans le monde ça va mal

C’est en tout cas ce que dit le journal

Ne faites pas cette tête de chrysanthème

Moi aussi un jour il m’a dit je t’aime

J’y ai cru j’ai engagé ma vie

Devant le maire on s’est dit oui

Ingénieur il était et puis un jour

Alors qu’il ne disait plus bonjour

Il est partit sans se retourner

Et la mort il s’est donné

Trop de boulot trop de stress

Je n’ai pas vu sa détresse

De la France d’en haut j’ai dégringolé

De pas mal de dettes j’ai hérité

Dans le caniveau je suis tombée

Jamais eu la force de me relever

Moi la vieille femme édentée

Sur un bout de trottoir décharné

Je ne demande pas la charité

Juste une main et son poignet

Je sais je suis une impénitente bavarde

Je voudrai manger une pleine gavade

Impression que ce serait mon dernier repas

Avant que la faucheuse ne danse son dernier pas

Je ne suis pas dans le misérabilisme

A l’aube de mon dernier prisme

Je ne tends surtout pas la main

Pour tenir jusqu’au  lendemain

Je voudrai simplement vous dire merci

D’être passé près de moi sans un bruit

Mais votre faux regard de compassion

Me met dans un ultime état de confusion

Vous avez eu honte ou pire pitié

De la très vieille femme édentée

Vous avez marché sans vous retournez

Un vrai pied de nez à mon passé

Maintenant je tire ma révérence

A ce monde pourri d’indifférence

Ce n’est pas grave je suis déjà partie

D’un système qui m’a volé ma vie

Je dis au revoir messieurs dames

Je sais vous ne verserez pas une larme

Parce que dans indifférence

Il y a avant tout méfiance

Je cours je vais vite

Dans l’oubli je lévite

Au dessus d’une vie

Dont nul n’a envie

Je cherche une lueur

Dans la vie j’ai peur

Gardez mon trottoir propre

Demain votre opprobre

Désignera un autre

Venu là comme apôtre

La misère vous la voyez

Peureux vous passez

Une pièce vous donnez

Un remord vous écrasez

Demain je ne serai qu’un corps

A la morgue des idées fixes

Demain il fera froid dehors

Garde à vous et fixe

Moi la vieille femme édentée

Sur un bout de trottoir décharné

Je ne demande pas la charité

Juste une main et son poignet

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