Justin(e), la Miroiterie (Paris)

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Justin(e), la Miroiterie (75)

J'écoute leur son depuis 2 ou 3 ans. Du punk rock "A la Nantaise", disent-ils.

C'est de la chanson française au détail près que les tempos s'envolent régulièrement a plus de 170 battements minutes et le style est plutôt mit dans un casier du type musique underground et populaire, de gauche; même.

Leurs disques sont des productions musicales indépendantes que les médias aiment nommer "do it yourself": du rock, de la démerde, du travail et du cœur. La recette parfaite qui annonce un plat musical délicieux fait "avec amour" - comme dirait ma mère - à consommer sur place.


Et puis ils sont passés en concert à Paris. Petite salle, petite régie, godets pas cher, tarif de l'entrée ridicule. Tout était crédible !

La salle à un intérêt tout particulier, c'est le dernier squatte de la capitale. En plus c'est bien, le lieu est menacé de destruction depuis perpette mais n'a encore jamais cédé face au rouleau compresseur de la pression immobilière. Puis c'est ça aussi le rock, toujours en galère pour exister.


L'envie pressante de mettre un visage sur cette musique m'avait précipité au premier rang. J'attendais un jeu de scène, des erreurs d'un des 4 Nantais dans les structures de leurs compos; un musicien trop fort, un autre pas en forme.


Ils montent sur scène dans un curieux effet de fainéantise. Chacun prend le temps de se mettre en position d'attaque. Et moi, impatient, le temps me paraît interminable, et j'ai les yeux grands ouverts.

Le chanteur parle à un public qui n'a ni âge, ni style, ni code; avant d'envoyer les premiers mots tout seul, tandis que ses trois compères armés jusqu'aux dents appuient violemment sur la touche "jouer!!!"

Tout est envoyé en pleine face avec beaucoup d'intention. C'est la fin du premier couplet et déjà trois cents bras se dressent dans la foule, lorsque tout le monde reprend, ensemble, le premier refrain.

Je me fais surprendre, il y a bien meilleur fan que moi ici. Un concert à dimension humaine où on peut croiser deux fois le même regard dans la fosse et profiter au mieux de la montée en température de la salle.

Ce groupe à une présence énorme sur cette petite scène foirée. Chaque chanson à son hymne par le refrain, reprit systématiquement par le public.

L'auditeur s'éclate main en l'air; profite des relances ravageuses du batteur pour se secouer les uns sur les autres gentiment. Entre deux morceaux je me retourne et regarde les autres. Je fais souvent ça au ciné, surtout quand j'arrive trop tard pour être placé en haut. Le groupe dégage quelque chose de positif.

Le bassiste à un jeu démoniaque, refuse d'utiliser son instrument comme simple outil à valoriser l'ensemble, et on retrouve sans triche les harmonies du disque. Le guitariste captera mon regard en train de chanter, version yaourt, un couplet au débit rapide en milieu de set.

On est loin de ce qu'on vit trop souvent : un concert en plein air joué par des gens fatigués de jouer tous les jours, aidés par de brillants ingénieurs qui multiplient la puissance sonore d'autant qu'ils ont de boutons sous les doigts. Mais pas là non. Tout est honnête, assumé, tranquille, sans maquillage ni effets spéciaux.

Un morceau s'achève, le guitariste laisse courir sa dernière note, un regard insistant du batteur énervé sur le bassiste énervé; 1,2,3,clac et voilà un duo basse batterie remplit d'envie au service d'un méchant groove qui déboule de nulle part, annonçant le morceau suivant, que tout le monde reconnaît immédiatement.

Pas de silence, ça joue sans s'arrêter, et toujours avec beaucoup de vitesse pour un maximum d'énergie.

Le chanteur est cool, laisse les autres instruments lui mettre la pression avant de se lancer.

Sacré démonstration, ça bouge énormément sur scène. A force de frapper vite, vite et fort, le batteur s'est transformé en flaque en quelques minutes, le bassiste exécute des rotations et des sauts d'une drôle d'amplitude compte tenu de l'espace confiné qui lui est réservé entre public et amplis; entre têtes et baffles. C'est un joyeux saint bordel, un grand plaisir dignement partagé.


Minuit, je sors pleins de sueur, l'estomac vide, légèrement chahuté de trois demis descendus beaucoup trop vite dans l'euphorie du spectacle. J'ai pris tout ce qu'ils m'ont donné, grosse baffe. Ils sont venus faire le job demandé sachant qu'ils n'avaient rien de plus à proposer.

Aucun égo, pas de caprices; pleins d'effets, sans cause. Performance scénique mémorable, groupe injustement trop peu populaire. Et c'est bien mieux comme ça.

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