J'vis la nuit

--mephisto--

J'vis la nuit

M'invente des vies de "Vis ma vie"

Avec ma tronche de refugee

En vis a vis de mes amis

En attente de visa

J'fais des rondes,

J'tourne pas rond

Je touche le fond.

Par manque de place, ici et là

A cinq dans l'même lit, hélas.

J'vis la nuit

Tordu de douleur, étourdi

Face à cette horde

Sans têtes ni queues

Dans la puanteur

D'une intimité bien hors de prix.

J'vis la nuit

A poings serrés, j'lutte endormi.

Lessivé par des journées

(Toutes les mêmes)

Passées à ressasser

La raison même

De mon identité.

A brasser d'la paperasse

En errance, de paillasse en paillasse

A frapper à tes portes, France

Et virer la caillasse

De tes administrations, pénitence

Piégée sous la semelle de mes godasses.

Reluqué, de la tête aux pieds

(Avec ma tronche de réfugié)

Par tes fils des DOM & TOM, plus noirs que moi

En somme, assis en face,

Parfois de biais, aussi, pour mieux observer

Un "sans grade", semblable à cent vauriens

Un "sans papier" (comme ils disent) de plus à l'entretien,

Et qui se présente, par le Nord saigné

Au pôle pour emplois à dignité indéterminée.

Y'en a même qui, sans gênes parmi ces gens

S'permettent, rient

S'aguichent de mes problèmes, pis!

De mon accent.

Alors que franchement,

Ils en sont loin, eux, d'être plus à mêmes

Leur grammaire

Piètre, à cent lieues spectaculaire

Filerait un sacré urticaire

A mon vieux maître d'école primaire.

J'vis la nuit

J'y promène mes rêves

D'Adis à Paris

Serre les vis

De St Denis aux Ulis

Homme de brousse

A ton assaut, Metropolis.

J'vis la nuit

J'hésite, j'évite la pluie,

J'me voute, frêle

Me vautre dans les doutes.

Passerelle entre les gouttes, j'dors.

Me reprends...

La tête, j'me couvre,j'm'en sors,

Je joue des coudes, pas des combines

Et les tempêtes, je les dompte.

Effet coup de foudre, sans débine

Moi Monsieur, j'ai eu mon compte.

Puis tu me reviens.

Je repense à demain,

A ce jour sans fin.

Garde en moi l'espoir.

Je te regarde, sourire en blanc et en noir.

Je m'ouvre enfin, referme le tiroir.

Ecarte pêle-mêle, sueurs et chagrin.

Dans la venue du p'tit matin.

Demain, au soir, c'est sûr, j'appelle.

J'vis la nuit, tu sais

J'mentraine aux mots d'amour

Dans l'attente de notre jour,

De ton étreinte

Rejoue nos balades sur les chemins de terre

Lorsque sur mes épaules, je te portais naguère

Paumes à nouveau réunies, Pont Neuf

Arc de triomphe - Concorde, champs espérés, balisés

Par nos rires citronnés, d'une limonade en été.

Pour que cesse ce gout amère.

Ce jour ou je pourrai leur dire

Le crier, à tous, arrêter de me taire :

"Hé les gars, j'vous avais pas menti!

Chuis pas fou, rapprochez vous.

Regardez contre qui je me serre.

Il est beau hein, droit, le front serein

Vous fait-il penser à quelqu'un?"

J'vis la nuit

Car je te sens tout près, ici.

J'vire à l'ennui

Dès que tu quittes ma pensée.

Je suis de ceux

Qui vivent de peu, tu sais?

Mais toi, mon fils,

Toi seul, me suffis.

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