Kuai kuai ! voyage éclair à Taipei

samuell

Migraine de lendemain de soirée. Une adresse, une mission, le reste on verra en route.

Brrrrrr.

Je suis réveillé par le vibreur de mon téléphone. C'est un message : 台北市北投區幽雅路11號. Je ne comprends rien aux caractères traditionnels. Je connais les signes mandarins, c'est vrai, mais uniquement ceux simplifiés de la Chine continentale, pas les originaux de Taïwan. Le traducteur de mon portable suffira. Ça charge... 11 Youya Rd. Beitou Dist, Taipei City, Taiwan. C'est l'adresse que j'attendais.


 J'en déduis que j'ai conclu cette vente si cruciale qui m'a amené à Taipei. Mais mon mal de tête m'empêche de me remémorer la soirée. Mon seul souvenir : le goût de gingembre du cocktail du W Hotel de Taipei.

 Je me lève, jette un œil par la fenêtre. Par dessus le bourdonnement de la ville j'entends un clapotis régulier. Je me retourne : mon climatiseur fait des siennes, il goutte sur le pavé de ma chambre. Je réglerai ça plus tard, l'urgence, c'est d'abord de récupérer l'objet tant convoité au W Hotel. Faisant ma valise, je ne trouve qu'un short propre et un t-shirt. Ça ira pour la route, je m'arrêterai dans un shopping-mall pour me retransformer en prince charmant.


Dans la rue je suis pris au nez par une fumée grise. Je reste sur le trottoir, je n'attendrai pas longtemps avant qu'un taxi arrive. A ma gauche, quelqu'un attise une sorte de brasero. il y brûle des faux billets. On m'a dit que c'était une fête des morts particulière aujourd'hui, mais je ne sais plus laquelle. Un taxi ! Ma main surgit du nuage de fumée et la voiture stoppe net devant moi. J'ouvre la porte. « W Hotel », je dis. La voiture fonce au son d'une chanteuse pop chinoise. J'arrive en un seul morceau à l'hôtel. Je me précipite à l'intérieur, les portes s'ouvrent.


La réceptionniste à l'air surprise de me voir habillé en touriste. Quand je m'approche elle reste raide comme un bâton d'encens avant de froncer des sourcils. Ça y est, elle m'a reconnue. Tendue, elle s'empresse de m'emmener à un ascenseur de service. Elle répète kuai kuai avec prudence. Elle entre avec moi dans l'ascenseur : Sous-sol, la salle de réception.

Un paquet de velours noir enroulé trône au milieu de la grande table de la grande salle du grand hôtel. L'objet semble petit. Je n'ai pas le temps de vérifier son contenu, de toute façon nous n'exposions que celle-ci hier soir, à la discrétion de quelques collectionneurs invités.

 Une exposition pour le moins confidentielle pour une œuvre en cavale : La pièce, prohibée en Chine à valu une assignation à résidence par son auteur. Sortie clandestinement du pays, je l'ai vendue hier, dans un flou artistique légal.


Kuai kuai je sors, kuai kuai je hèle un taxi, je montre l'adresse. Kuai kuai, je lui dis, je ne veux pas arriver en retard chez mon client. Il s'exécute et roule à toute vitesse.

Nous faisons un stop au 7-Eleven du coin, c'est la supérette locale. Il y a un petit rayon vêtement. Chemise et pantalon suffiront, je me changerais dans le taxi. Un écran derrière le caissier attire on attention. L'homme qu'on y voit prodiguer une Leçon de succès en affaires me dit quelque chose. Une fois remonté dans le taxi, je me souviens que c'est lui, le coach de la télévision, c'est l'acheteur chez qui je me rend !


 Pendant que nous roulons vers le Nord, aux environs de Taipei, le paysage devient peu à peu plus vert et luxuriant. La route zigzague, nous prenons de l'altitude. J'entends un éclair, puis un torrent d'eau s'abat sur le pare brise. Arrivé à destination, un garde nous arrête et nous fait patienter. Je n'ose pas sortir, c'est toujours le déluge à l'extérieur.

Les essuie-glaces rythment chaque seconde. 27 s'écoulent avant qu'une berline aux vitres teintées ne vienne s'arrêter à notre hauteur. Rien ne se passe. Je devine que je dois changer de voiture, par sécurité, sans doute. Il ne reste plus qu'un chemin tortueux qui mène au bâtiment qu'on aperçoit déjà. Ça ressemble à ces hôtels particuliers qui accueillaient les kamikazes pendant l'occupation japonaise. Juste avant l'entrée, la voiture s'engage sur un pont suspendu en bois. Je n'ose pas dire au chauffeur que je préfère continuer à pied. En dessous du pont, un étang fumant. C'est sûrement une des sources chaudes des environs. D'habitude, c'est pour s'y baigner qu'on se rend dans la ville thermale de Beitou.


J'entre, Une femme de maison me guide vers le bureau du col blanc avec qui j'ai fait affaire. La porte du bureau se referme sur le salon feutré. Quand elle se rouvre enfin et que j'en sors, un étrange numéro m'appelle. C'est l'avionneur qui est sensé m'amener à Shanghai pour ma correspondance. Je dis sensé, parce qu'apparemment les conditions climatiques nous empêchent de voler. Opportunément, c'est le coach qui à réponse à tout qui m'apporte la solution : il m'emmène sur sa terrasse, où plutôt, sa piste d'atterrissage privée. Le hasard fait bien les choses, lui aussi se rend en République Populaire pour affaires.

Quand je suis arrivé dans la Capitale je trouvait tout si désordonnée et chaotique, mais je comprend maintenant que rien n'est si compliqué à Taïwan.




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