La barre était haute.

- Quand tu dis à une femme qu'elle est de plus en plus belle, est-ce que ça laisse entendre qu'avant elle l'était un peu moins ?

- Ben tout dépend où tu places la barre, ma chérie !

- Quelle barre ?

- La barre du moche !

- Putain ! On peut jamais faire trois lignes de sérieux avec toi ! Faut toujours que tu répondes avec tes images à 2 balles !

- Peut-être ! Mais au moins ça t'as fait comprendre, puisque tu viens de réagir !

- Ben figure-toi que j'aurai préféré pour une fois, que tu me réponde intelligemment ! Que tu me dise que la beauté commence par une sensation pour devenir un jugement et se transcender dans une expérience esthétique ! Que l'approcher, ne serait-ce qu'un instant, peut être désespérant. Que selon Valery, "La définition du beau est aisée : c'est ce qui désespère" et que selon Montaigne "La beauté ne ravit pas : elle ravage"...

Betty adore aller aux conférences mensuelles de 21 heures à la MJC de notre quartier. Elle dit que c'est mieux que d'apprendre le tricot au foyer Municipal, qu'en 2 heures de temps et le cul sur une chaise, t'en as plus appris que sur 3 rangs de tricotage. Mais ce que Betty ne dit pas et que moi je sais, c'est qu'elle aime surtout les conférenciers. Ils sentent souvent bon et ont une culture qui fait oublier le cours de l'or, la misère dans le monde et l'idée d'aller travailler demain.

Par ses mercredis soirs culturels, Betty sait aborder tous thèmes et tous types de sujets pour briller en société. Il me souvient de ce petit poème qu'elle avait déclamé à la fin d'un repas pour une œuvre de bienfaisance contre le cancer des testicules du mouton Aveyronnais:

" Ma queue éclatait sous tes lèvres

Comme une prune de Juillet

La plume au vent qu'on taille en rêve

N'est pas plus folle je le sais

Que la volage aux amours brèves

Il me souvient de Félicie

Que je connu le jour de Pâques

Et dont la moniche roussie

S'ouvrait en coquille Saint-Jacques

De septembre à la fin Avril

Il me souvient de la Dona

Qui faisait l'amour en cadence

Et dont la figue distilla

Un alcool d'une violence

Mais je ne vous dit que cela. "

Guillaume Apollinaire

Dans la voiture qui nous ramenait à Giverny, Betty venait de poser sur mon épaule, sa tête et ses sentiments. Dans un soupir un peu prolongé elle ajouta:

- Tu crois qu'ils ont compris le message ?

- En tout cas, ils vont pas faire des pulls avec !

...