La Chevauchée des Exilés

Julien Barré

Les vents froids chassent les cavaliers hors de leur steppe natale. Malades et affamées, les Tribus traversent le désert blanc sous le guide d'un cœur brave et d'un esprit sage, songeant aux morts.


Un regard devant, l'horizon absent,

L'autre derrière, le passé amer.

 ***

Aventurière perdue dans la brume,

Ta main serrée, dévorée par l'hiver.

Entre tes doigts la dernière lumière,

Retiens ton souffle, chasse l'amertume.

***

Toi roi solitaire, esclave des limbes,

L'aveugle et le muet, entravé d'un nimbe,

De serments arrachés aux souvenirs,

D'un amour effacé et souverain.

***

Écoutez les chants lancinants des plaines,

Les plaintes du vent sur les flancs des monts,

Les pleurs émanant des nids de silènes,

Fruits des enfants à l'abri des démons.

***

Cavaliers errants par-delà les vents.

Exilés enfants d'exilés, hurlants.

Morts vivants, pupilles de sang pleurant,

Nés du sein de la Terre, le mors aux dents.

***

Esprits libres domptés mais non brisés.

Corps traqués, affamés, mutilés, tués,

Labourant terre sèche et roche humide,

Hurlant au vent sourd leur ire putride.

***

Rage céleste brise l'infini.

Du chaos, le tumulte se révèle.

Tels les fléaux, les vents de l'irréel,

Guidés par la Mort et son infamie. 

***

La mère s'assoupit dans les champs gris,

L'or masqué de blanc, la steppe endormie.

Serpents au ventre, pensées en brasier,

Souffle sanglant et larmes du berger.

***

Jamais des histoires au sort inhumé,

Toujours leurs récits seront débattus,

Car souffles de vent, jadis abattus,

Vivent dans le cœur des graines germées.

***

Vent, source de vie. Vent, fruit de la Mort.

Ô Ciel divin, sens le feu crépitant,

Les larmes amères chatouiller ton corps.

Entends les pleurs de rage des enfants.

***

Hères dans le noir, les âmes perdues,

Chantant la gloire d'une vie passée,

Serrent en mains une quête éperdue,

Masquant d'un voile l'espoir trépassé.

***

Courage et vertu, de vulgaires songes

Effacés sous le monstre cruauté,

Courant, mus par lâcheté et mensonge,

Effarés de l'amère vérité.

***

Une ombre dans le noir, des orbes rouges.

Entends l'appel strident du chant sauvage,

Hurlant dans le vent, sous fer d'esclavage,

Un amour vain aux orbites jalouses.

*** 

D'un œil vert, l'enfant observe l'ancien,

De larme, voit ce que demain sera.

D'un œil d'or, l'ancien observe l'enfant,

De larme, voit ce que naguère était.

***

Entends-tu, approcher les pieds de buée ?

Le fer brillant sous le feu de la Terre,

Horreurs assoiffées boivent aux artères.

Perçois-tu, la danse folle des nuées ?

***

Au nord, les assauts furieux de la bise,

Au sud, la sombre poisse de l'abîme.

Honore le silence, tue l'angoisse,

 Rude dont le souffle têtu trépasse.

***

De flots tumultueux harassent la berge,

Habitée d'ombres dansant sous les flammes.

De vie se gorgent, par la vie émerge,

Pensées sombres naviguant sur les lames.

***

Aux limbes infinis, vit un tyran.

Damné sur son char silencieux, souffrant.

Ceint d'un nimbe terni, dieu dévorant

Âmes, cœurs et esprits aux corps dormants.

***

Sons cruels émanent d'âmes damnées.

Leurs rires et leur ire, pleurs et heurts,

Cris, joie, colère, prient le roi tonnerre.

Sous le Ciel, s'enlacent deux âmes lasses.

***

Le crin trace des vagues sur la soie,

Aux sons des instruments et chants de joie,

Aux flammes tissées et éclats d'étoiles,

Les deels volants ondoient dessous le Voile.

***

Sous la pluie des cendres de leurs parents,

Les enfants étreints près du feu mourant.

Âmes amputées, esprits égarés,

Abandonnez joies et chagrins passés.

***

L'ombre des anciens voile les tribus, 

Esprits libres maudissent les captifs

D'un sombre prince des âmes perdues ;

En sacrifice aux souverains rétifs.

***

Au milieu des bois morts, trace ta voie.

Dans le désert, jamais ne désespère.

Des corps de cristal, gagne les montagnes.

Défie-toi des esprits de vilénies.

*** 

Larmes asséchées aux vents, rois du temps,

Fondent au manteau givré, peint de sang.

Dans leurs eaux nagent des bras résolus,

Le sel chantant au pouvoir absolu.

***

Hurle le cuir, brûlent les souvenirs,

Tombent les larmes et sombrent les âmes,

Des esprits égarés, froids sont leurs crânes.

Du mépris de soi, foi en l'avenir.

***

Dans le sein froid du temple d'agonie,

Les cavaliers versent des larmes rouges.

De pain noir se nourrit leur harmonie,

Au sang fumant du ventre de la louve.

***

Jamais plus, jambes pliées, dos fléchi,

Nous ne nous soumettrons, hommes ou dieux.

Une promesse clamée sous les cieux

Et les yeux d'une jeunesse flétrie.

***

Grandes vagues rugissantes de fer

Descendent du nid noir, puantes rides.

Contre les rochers déferle la mer,

Un brouillard ocre sous les vents putrides.

***

Aube grise couronne la montagne,

Ses bras flottant sur une mer d'argent.

Libellules chantent pour les amants,

Près du dernier repos de la compagne. 

***

Déjà, dans les champs verts, chantent les cors.

L'œil bleu s'éloigne du rivage mort,

Répondant à l'appel des cavaliers,

Début d'une nouvelle chevauchée.

***

Mon combat n'aura de fin que la mort.


Splendide illustration réalisée par Angèle @val_angele_pivi.

  • Quel beau poème, et l'on souffre avec eux dans le vent glacial, et l'on avance pourtant malgré la faim, le froid, sans regarder en arrière...

    · Il y a presque 4 ans ·
    Louve blanche

    Louve

  • C'est un chant de l'univers tout entier dans ses tourments et ses souffrances. Un poème fort, puissant comme le vent du nord dans les arbres nus.

    · Il y a presque 4 ans ·
    Coucou plage 300

    aile68

    • Merci beaucoup pour cette envolée !

      · Il y a presque 4 ans ·
      Esbwpc8xkamyy8g

      Julien Barré

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