La complaine d'Edwige.
harleen-sith
« - Cours. »
Ce mot résonnait dans la tête de la jeune fille comme s'il s'agissait d'une information capitale qu'elle ne devait surtout pas oublier. Elle était sur cette route, et maintenant, il était trop tard de faire marche arrière. La tête baissée afin d'éviter que son visage ne se heurte au vent glacial, Edwige tachait tant bien que mal de ne pas libérer le flot de larmes qui criait en elle. Ses pieds frappaient contre le bitume trempé d’une force surhumaine. Les muscles contractés, les poings serrés, l'adolescente courait, courait, courait. Comme pour éteindre le brasier qui brûlait en elle, pour échaper à une bombe qui aurait explosé si elle était restée là sans rien faire.
Edwige était épuisée, mais elle ne s'arrêtait pas. Du moins pas encore. Elle vivait à présent le moment qu’elle avait attendu durant des années. Elle ne savait si c’était la bonne chose à faire, mais elle savait que c’était le bon moment. Si des gens l'avaient apperçu, ils auraient simplement vu une tache blonde s'engouffrer dans un manteau bleuté qu'était cette nuit glaciale de décembre. Puis ils auraient détourné le regard, l'image de la jeune fille aurait flotté en eux pendant encore quelques secondes, puis elle se serait évaporée aussi vite qu'elle était venue.
Edwige était exténuée. C’en était trop pour elle. Ses yeux piquaient, son jean lui collait à la peau. Soudain, elle fût aveuglée par deux grands yeux jaunes qui la fixèrent et semblèrent se rapprocher. La dernière chose dont elle se souvint avant de tomber au sol ne fût qu’un bruit sourd, et un choc.
*
« – Tu es réveillée ? Fit une voix douce à l’oreille de la jeune fille.
Edwige pêinat à ouvrir les yeux. D’une main, elle dégagea la mèche rebelle qui lui assombrissait le regard, et tenta de se redresser dans son lit. Contemplant autour d’elle, elle pû se rendre compte qu’elle se trouvait dans une minuscule pièce, dont les murs étaient recouverts de photos d’une femme se tenant tantôt sur le dos d’un éléphant, devant l’Empire State Building, au milieu d’une fôret vierge, ou encore dans une rue bondée de Shangaï.
– Tu m’a fais peur, tu sais ! Dit à nouveau la voix, d’un ton amusé. Ca va mieux ? Tient, prends ça, ça te fera du bien.
Edwige réalisa que la femme des photos se trouvait juste en face d’elle, et qu’elle était à présent entrain de lui tendre un carré de chocolat. Machinalement, la jeune fille le prit dans ses doigts fins et le glissa dans sa bouche.
-… Merci, murmura la jeune fille. Sa voix était encore tremblante, ce qui fit froncer les soucrils à son hôte. Pour briser le silence qui s'était installé, celle-ci ajouta:
-Tes parents doivent être mots d'inquiétudes ! Tu veux un téléphone pour les prévenir que tu vas bien ?
A ces mots, la jeune fille éclata en sanglots. Honteuse de pleurer en public, elle cacha son visage avec ses mains, mais on pouvait apperçevoir de chaudes larmes s'en écouler. La femme s'approcha alors d'Edwige, et la serra contre elle, très fort, comme si plus rien ne comptait mis à part cette tendre étreinte.
Edwige s'en dégagea au bout de quelques secondes. Elle fouilla dans ses poches, s'éssuyant de temps à autres les yeux. Au bout de quelques instants, elle en sorti un petit carré de plastique, qu'elle glissa délicatement dans les mains de la femme qui l'hébergeait. Puis elle baissa la tête.
Sur la carte, il y avait une photo d'une petite fille, brune. Elle avait des yeux bleu éclatants, à côté d'elle était écrit ces quelques mots "Edwige Carter, arrivée : 17 octobre 1998, âgée de 2 ans. Pensionnaire dans le bâtiment C." En bas, il y avait un logo noir représentant le toît d'une vieille batisse, et à côté, en lettres d'or "Orphelinat pour jeunes filles St. Victors Quinn."
Les yeux de la femme regardèrent lentement Edwige, pensive. Au bout de quelques secondes de réflexion, elle dit calmement:
- Enchantée, Edwige.
Puis elle s'en alla.
*
Quand Edwige se réveilla le lendemain matin, elle se rendit compte que la petite pièce dans laquelle elle se trouvait était en réalité la chambre d'un camping-car, et qu'à l'instant, ils étaient bel et bien entrain de rouler. C'est l'odeur de chocolat qui la motiva à descendre de son lit. Ses pieds frôlèrent le sol froid, et elle poussa d'un geste vif mais craintif la poignée.
Elle découvrit la jeune femme, qui s'était plus tard la veille présentée sous le nom de Betty, assise à une table, tout en contemplant la route défiler devant elle. Un bol de chocolat chaud était posé devant une chaise, et Betty invita d'un geste de la main Edwige à s'y asseoire.
-Hello, tu vas bien ce matin ? Mon ami conduit, nous sommes en route pour la Hollande !
Edwige ouvrit de grands yeux. La jeune fille n'avait jamais rien connu d'autre que sa Russie natale, et chaque pays semblait être pour elle une terre étrange, fascinante, et surtout inaccessible.
Quand Edwige prit la première gorgée de chocolat chaud et que le soleil carressa son doux visage, elle réalisa soudain qu'elle n'avait jamais vécu de jour meilleur.
Fin ?