La couturière (2)

aile68

Bonjour c'est moi, Catherine, la couturière. J'ai réussi mon bac, je me suis donc inscrite en couture à Paris contre l'avis de mon père bien sûr, maman elle, m'a laissée faire, j'ai eu mon bac avec mention assez bien donc ça lui a plutôt cloué le bec, mais bon, c'est elle qui me paye ma formation, je ne veux pas lui manquer de respect. Les formateurs sont des passionnés de couture, ils aiment transmettre leurs connaissances et leur savoir-faire, je savais déjà faire des ourlets et des petits vêtements pour enfants, mais les premiers cours j'ai ressenti comme une sorte de... voyons voir de solennité voilà, j'écoutais les formateurs comme s'ils étaient des dieux, peut-être, et puis très vite je me suis mise au travail, j'ai changé d'état d'esprit je suis devenue plus pragmatique dans le sens où je voulais leur montrer ce que je savais faire. Les divers travaux de couture que j'ai fait pour mon ami Georges (chez lequel j'avais dormi une nuit) m'ont beaucoup aidée, j'espère qu'il va bien dans sa petite maison que nous avons lavée de fond en comble! Je suis contente de le connaître car c'est une bonne personne, il m'a raconté son histoire, ce sera peut-être pour une prochaine fois. A ses côtés je sais ce que c'est que d'être dans la misère il m'a ouvert les yeux sur la dure réalité de la vie. J'ai appris à mettre la grosse aiguille dans la machine à coudre, j'ai fait des ourlets, un joli sac à pain pour Georges, et puis j'ai cousu des passementeries sur une robe de communiante. Le travail à partir d'un patron est passionnant, il me rappelle mes deux grands-mères, tracer les formes du vêtement sur le tissu est un moment solennel (encore une fois), et couper le tissu avec la grosse paire de ciseaux tant convoitée alors là, c'est un aboutissement que j'ai attendu avec impatience. Le moment où il faut placer ses ciseaux comme il faut et couper est primordiale, cra, cra, cra et pendant ce temps y a mon coeur qui bat en suivant le rythme des coupures. L'ambiance est sympa dans l'ensemble, quelques fois y en a qui font du zèle et il y a quelques rivalités, mais les formateurs jouent leur rôle dans ces moments-là. le samedi je fais du bénévolat au Secours Populaire, je raccommode les vêtements, ça me fait penser à Georges, quand je l'ai rencontré sa garde-robe était plutôt mince, on est allé au Secours Populaire un jour, et je l'ai aidé à choisir deux pantalons et une chemise, au marché il s'est acheté des sous-vêtements et des chaussettes pour pas cher, et j'ai piqué un vieux pull de mon père dans la remise de toute façon il ne le mettait plus. Oui Georges est mon protégé et je m'amuse à lui faire des serviettes et des mouchoirs pour lui, à mes heures perdues, tout est bon pour moi pour coudre. La responsable du Secours Populaire est bien sympa, elle me laisse utiliser la machine du local, j'aurai ma propre machine avant Noël. J'en ai repéré une chez Singer, une moderne bien sûr, un jour je récupérerai celle d'une de mes grands-mères, une bonne vieille singer avec la table et les tiroirs en bois. Avec Ghislaine ma colocataire, on fait les boutiques rue des Champs Elysées et on regarde, que dis-je, scrute les robes, aucun détail ne nous échappe, les plis, les volants, les manches à gigot, quand on est épuisé on se boit un pot au Café de Flore, c'est cher mais on se dit qu'on le mérite bien! Un jour on participera à  des concours de couture, ceux des magasines de couture comme Burda ou Sur mesure, Ghislaine est plutôt attirée par la Haute Couture mais c'est la vraie jungle, moi je préfère coudre à échelle humaine. C'est dans cela que je me reconnais le plus. Bientôt les soldes d'hiver, on se procurera quelques coupons de tissus pas cher et on s'amusera à se faire des robes comme celles des actrices des années 50, Audrey Hepburn est notre modèle préféré, enfin surtout celui de Ghislaine, moi je veux me spécialiser dans les robes de mariée et de cérémonie. Grâce à ma voisine j'ai eu l'occasion de voir la fameuse couturière qui travaillait dans une boutique de robes de mariées ça a été pour moi une révélation! Toutes ces longues traînes, ces longues robes, ces corsages si bien cousus, des dentelles partout, des broderies, un vrai paradis, je regardais partout comme un gyrophare je tournais la tête à m'en étourdir. Ghislaine me servira de modèle pour la petite robe de mariée que je confectionnerai pendant les vacances d'été. Je l'appellerai "Petite robe d'été", tout simplement, elle aura un colle carré, des manches comme celles des fées, une petite traîne et un petit voile transparent. Tout ce qui est petit est mignon dit-on. Voilà! J'ai peur que Georges ne me reconnaisse plus. J'ai tellement changé! Je ne suis plus la pauvre lycéenne qui bossait ses maths avec son prof particulier. Je lui ai envoyé une carte de Paris au début quand je suis arrivée dans la capitale. Il ne m'a pas répondu mais il m'a appelée un jour, j'étais super contente. Voilà je vous ai raconté mes débuts à Paris. Je ne dis jamais que je suis montée à Paris, c'est l'expression consacrée mais je ne l'aime pas. Pour moi ça représente quelque chose de très fastidieux ce verbe "monter", je préfère rester simple et dire que je suis à Paris pour apprendre à coudre. Sur ce, bon vent et n'oubliez pas: "On n'est jamais assez chic" comme dit mon ami Georges, il a bien changé lui aussi!

  • Merci rosedulas et marie! J'ai particulièrement aimé écrire cette nouvelle, un vrai plaisir! J'ai pris quelques cours de couture, pas facile facile, mais j'aime!

    · Il y a environ 6 ans ·
    Coucou plage 300

    aile68

  • Bonjour Mademoiselle La couturière, Un jour vous travaillerez dans une grande maison de couture - Parce que vous avez ce talent - Belle journée

    · Il y a environ 6 ans ·
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    rosedulas

  • Très représentatif d'une époque insouciante, j'adore le ton légèrement malicieux et le vent de légèreté qui émane de ce texte... Très réussi Aile

    · Il y a environ 6 ans ·
    W

    marielesmots

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