La DDE IX

Thomas Toledo

M. Répondeur volait, littéralement propulsé sur les ondes radiophoniques de Nulle-Part...

M. Répondeur volait, littéralement propulsé sur les ondes radiophoniques de Nulle-Part. Il espérait atteindre la radio de l'usine des champs de vide assez rapidement, histoire de se reposer un peu, et accessoirement de porter secours à Jacques et Bernard. 
Malheureusement, la transmission était parfois brouillée, comme les oeufs : il était donc dangereux de voyager ainsi, et à une telle vitesse qui plus est.
Pourtant, il savait qu'il avait été capté par l'usine. En effet, il était parti avec pour message : ”Help, à l'aide, on va mourir à cause de l'espèce de névrosé qui nous sert d'auteur, aïe, non, pitié, j'ai mal. Non, pas la pichenette, pas la pichene…AAAAAAAAH.”. Il avait par ailleurs dû faire un détour -rapport avec la pichenette qui l'avait foutu hors trajectoire, comprenez- mais, quand il était revenu sur la bonne fréquence, un retour d'onde de transmission capto-nucléaire en degré babord 1-65-0 longitude-supra défragmentée en radian 54 (vous avez vu, moi aussi je peux faire de la science-fiction d'abord) lui était revenue en pleine tronche, ce qui l'avait rassuré quant à la présence de vie de l'autre côté… 

M. Répondeur fonçait donc vers l'émission de ce retour d'onde, lorsque soudain, il vit quelque chose qui l'effraya au plus haut point. Son sang se figea, ses membres se raidirent. Devant lui, une interruption de programme prit place afin “de vous faire un rapport des derniers évènements concernant la région du Cercle T, région parrallèle au Cercle P (pour Polaire) qui serait apparemment bloquée pour une durée indéfinie […]”. L'huclain s'en rapprochait dangereusement, à une vitesse phénoménale. Encore un petit effort et notre ami aurait la joie de faire connaissance avec le présentateur.  

Il s'approche désormais de plus en plus. Impossible de ralentir car il doit garder une vitesse minimale afin de ne pas sombrer dans les fréquences perdues, mais il n'y a pas d'autre issue ! M. Répondeur ne sait que faire, et le bulletin d'information n'en est qu'à la moitié et continue de se rapprocher. Encore un peu et M. Répondeur va le percuter !

Soudain, après un bruit d'objets qui tombent, notre huclain se retrouve encore en vie. Tandis qu'il continue sa course, il regarde derrière lui : rien, pas le moindre petit bulletin. Au loin, droit devant, il aperçoit l'antenne relai de l'usine, avec toute une équipe d'huclains prête à le recevoir. Ne perdant pas de temps, M. Répondeur utilise toutes ses forces et sa dextérité pour manoeuvrer parmi les fritures environnantes du relai.



Le calme était revenu dans l'usine, et le Conducteur avait demandé aux membres de son équipe de rassembler tout le personnel qu'ils pouvaient afin de retrouver ses compagnons et ces “putains d'attardés” qui les avaient poursuivi. 
Ni une, ni deux, et trois - zéro, tout le monde s'était mis au travail. Le Conducteur, quant à lui, était revenu dans son bureau, troisième tiroir en partant du bas au fond à gauche, afin de méditer et de réfléchir à l'endroit où pouvaient bien se trouver Bernard, Jacques, et le petit bonhomme qui les accompagnait. 

“Pourvu qu'ils ne soient pas allés près du champ de grues…” songea-t-il, anxieux. En effet, le champ de grues était un endroit très spécial, aux environs de Nulle-Part. Là-bas y poussaient donc des grues qui, en éclosant, formaient divers bâtiments tout autour d'elles. Or, bien des années auparavant, des gens avaient tenté de partir à l'aventure dans cette jungle de métal : tout le monde revenait indemne à chaque fois. 
Un cauchemar pour l'Amical des Explorateurs Névrosé et Psychotiques qui avaient immédiatement fait interdire la zone. Et récemment, une partie de la DDE se déroulait là-bas : on racontait qu'il s'agissait de la plus grande partie connue à ce jour.

Mais alors qu'il était perdu dans ses pensées, quelqu'un frappa au tiroir.
-Ouvrez!
-Bonjours monsieur, je fais partie de votre équipe. Désolé de vous déranger, mais on a relevé une transmission anormale provenant d'une fréquence qu'on essaie encore d'identifier. Je… Vous voulez de l'aide pour sortir monsieur?
-Volontier mon brave, aidez moi donc à me décoincer le pied gauche, et mettez une majuscule à “monsieur” quand vous parlez s'il vous plaît, et même s'il ne vous plaît pas d'ailleurs.
-Bien Monsieur. Ha, encore un petit peu… Voilàààààààààààààààààààààààààà… finit par dire le jeune homme en un soupir d'extase intense. 
-Merci. Alors, vous m'avez dit qu'on avait du nouveau, mmmh?
-Oui Monsieur, en provenance du relai.
-Bien bien… Votre nom?
-Basile, section 2 de la division 6/3 du secteur du Quotient Euclidien.
-Basile, Basile, Basile. Dites-moi mon petit Basile, vous venez bien de faire de l'humour avec vos jeux de mot là, mmmh?
-Huuuuuuuhuhuhuhuhuuuuuuuuuuuuuuuuu!
-C'est bien ce qu'il me semblait. Alors écoutez moi bien Basile, refaites moi ça et je vous envoie mon bureau en travers de la tête, est-ce bien clair?
-Oui Monsieur. Maintenant si vous voulez bien arrêter de dire des conneries, suivez moi, je vous expliquerais tout ça en route.

D'après ce que comprit le Conducteur (on se doit de l'admettre, d'accord, ce n'est pas très fiable, mais arrêtez de faire ce genre de remarque, même intérieurement, puisqu'on le sait). Bref, d'après ce qu'il comprit, le reste de l'équipe était partie avec du personnel qualifié afin de passer au peigne fin toute la région s'étendant de l'usine au champ de grues. On avait bien aperçu un avion s'enfoncer parmi elles, tandis qu'un autre faisait demi-tour, mais on n'avait pas osé aller plus loin. On était venu faire le rapport à la place, et on atttendant tranquillement le Conducteur dans le hall d'entrée.

“Mais qui c'est ce “On” nom d'un chien?” avait demandé le Conducteur. Ce à quoi il n'avait pu recevoir de réponse valable. Autrement, Basile était resté avec l'huclain travaillant dans le poste des émissions différées du réseau radio local de l'entreprise et avait tenté de savoir d'où venait la transmission qu'ils recevaient. Après une heure de recherche, ils n'avaient pas pu identifier la fréquence, mais avaient reçu le message suivant : ”Help, à l'aide, on va mourir à cause de l'espèce de névrosé qui nous sert d'auteur, aïe, non, pitié, j'ai mal. Non, pas la pichenette, pas la pichene…AAAAAAAAH.”. Après s'être assurés que la transmission n'était toujours pas coupée, ils avaient envoyé un retour de transmission, et ça fait trois fois que j'utilise le mot “transmission” dans une seule phrase, ça devient lourd. 

Soudain, une interruption de programme était apparue. D'une voix niaise, le présentateur qui annonçait son bulletin d'information bloquait totalement la communication. Basile avait alors dû retenir l'huclain avec qui il travaillait. En effet, ce dernier était carrément partant pour “aller lui fourrer son bulletin dans le fondement, à cette espèce d'enquiquineur”. Hoooo, Basile l'avait retenu comme il pouvait, sauf que, ben, héhé, et oui, il pouvait pas assez. C'est ainsi que l'huclain était parti lui même à toute vitesse faire un placage au présentateur. Il l'avait d'ailleurs fait juste à temps pour que M. Répondeur puisse arriver à destination. 

“Il arrive dans quelques minutes, déployez une équipe sur l'antenne pour le recevoir”, avait alors déclaré Basile. Et désormais, M. Répondeur attendait patiemment avec ce “On” dans le hall.
Le Conducteur et Basile arrivèrent dans le hall.
-Bonjours mademoiselle, il semblerait qu'un huclain et un certain “On” m'attendent ici. Ha et j'aimerais avoir des nouvelles de l'huclain qui s'occupe de notre radio.
-Ho oui, alors l'huclain qui est arrivé est assis juste dans ce petit fauteuil, à votre droite, quant à “On”, il est parti. Et pour l'huclain du relai, il n'est toujours pas revenu.
Tant pis, “On” attendrait. Pour le moment, il fallait écouter ce qu'avait à dire M. Répondeur.

À suivre dans les bureaux du présentateur.

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