La dernière étape

Je souhaitais tout te dire il y a un bon moment déjà, tu sais. A quel point tu étais important pour moi, à quel point tu me plaisais. Depuis si longtemps... Mais c'était dur de trouver le bon moment. Il y avait toujours quelque chose qui me retenait. Et plus les jours défilaient, plus les mots restaient bloqués au fond de ma gorge. Pourtant je devais absolument les sortir, c'était devenu une nécessité. Je savais que le temps était compté. Nos chemins allaient se séparer, et si je ne le faisais pas, je m'en serais voulu toute ma putain de vie. Je serais restée embourbée seule dans ma misérabilité. 

Ça me touche que tu me dises ça maintenant, t'es en aucun cas ridicule, au contraire ta franchise t'honnore.

C'était difficile comme situation. Avec toutes les filles qui te tournaient autour. L'autre qui porte bien trop de ressemblances avec mon propre parcours. Son amie qui fait miroiter gentillesse et innocence alors qu'elle est juste pourrie de l'intérieur. Tu n'as jamais su le percevoir, bien sûr. Comme tu n'as jamais su me voir, moi. 

Désolé de pas avoir su répondre à tes attentes...

On ne m'a jamais appris à faire ça. Je voulais te faire face pour me déclarer, je te le jure. Bien droite, les yeux dans les yeux. Mais j'ai pas pu. Depuis le temps, tu dois encore trop m'intimider. Ou c'est juste que je n'ai jamais aimé dévoiler mes faiblesses. 
A la fin, c'est surtout pour moi que j'ai craqué, je l'avoue. Je te l'ai dit, je ne voulais pas regretter, juste me débarrasser de ce poids qui m'a pesé tout le long de l'année - et plus... Et aussi, pour être honnête avec toi. Je te devais bien ça. 
Voilà, c'est ce qui m'a poussée à écrire ce message. Parce que je serais toujours plus douée à l'écrit. On ne se refait pas. Même si c'était à deux heures du matin, un peu embrouillé et truffé de fautes de frappe ici et là ; j'ai été la plus sincère possible. Et appuyer sur envoyer fut la chose la plus difficile que j'ai eu à faire. Il m'a fallut tout oublier: ton potentiel jugement et changement du regard que tu pourrais avoir sur moi... Je n'avais pas peur du rejet ; mais de la moquerie et du mépris.
Toute la journée j'ai rongé mon frein en attendant ta réponse, me disant qu'elle ne viendrait jamais. Je m'occupais, je préparais ma valise pour partir en vacances, mais la projection de mon avenir était bloquée par ta vision encore vive. Cela faisait à peine une semaine depuis que tu étais venu à la maison. Il m'était impossible d'avoir oublié ton expression, mais je ne savais pas laquelle tu avais adopté en lisant ce que je t'avais écrit. L'incertitude totale. 
C'est seulement lorsque j'ai reçu ton message que le poids s'est envolé. Le temps suspendu. Mon cœur arrêté.

Merci encore pour ton honnêteté, et ne te sens pas ridicule, ta franchise tu dois en être fière.

Pour la première fois de ma vie, j'ai pu ressentir la puissance d'avoir exposé réellement ce qu'il y avait à l'intérieur de moi, d'avoir osé ouvrir mon esprit et mon cœur. J'ai pu me dire que j'avais fait ce qu'il fallait.
Oui, cela aurait été peut-être plus facile que tu sois odieux. J'aurais pu tourner la page radicalement et te détester - faire semblant au moins. Mais non, étonnamment fidèle à toi-même, tu es resté superbement gentleman. Toujours obligé de te faire encore plus aimer. J'imagine très bien ton visage légèrement penché sur le côté, avec ton petit sourire satisfait. 

Quoi qu'il en soit, j'ai été heureux de te rencontrer, t'es une chouette personne.

Je ne peux pas t'en vouloir. Je ne peux que te remercier. C'est comme si tu savais exactement ce que j'avais besoin d'entendre - pas l'envie, non, cela reste un rejet après tout - mais un réel besoin pour ma santé mentale.
Après tout, le problème ne venait pas de moi mais de toi. C'est rageant car je sais qu'on aurait pu être si bien ensemble. Je l'ai assez imaginé, c'est de ta faute si tu n'as même pas voulu essayer. 

J'espère qu'on sera amené à se croiser à nouveau.

Je ne sais pas si j'aurais le courage de te revoir après cela. Mais si l'occasion se présente, je courrais à coup sûr. Je n'ai jamais pu te résister. Et puis nos conversations me manqueraient, il n'y a qu'avec toi que je pouvais aussi bien parler de ma saga préférée. C'était une chose privilégiée qu'on partageait tous les deux. 

En un sens, je tiens à notre amitié.

Calme point final à un grand chapitre de ma vie. Début d'un autre qui s'annonce. 
Enfin, je peux avancer sereinement. Et espérer rencontrer quelqu'un qui réussisse à te surpasser.