La fève

Angélique A.

L'épiphanie c'était il y a deux jours, j'ai donc un peu de retard mais bon il paraît qu'on peut manger des galettes tout le mois de janvier... Je réfléchis déjà à la chandeleur ;)

Tout à commencer le jeudi précédant l'Epiphanie. Comme chaque midi je mangeais tout en lisant le journal, quand soudain mon regard fut attiré par une annonce.
La boulangerie de la rue de la Libération a caché dans une galette une fève pas comme les autres.
Intéressant.
En effet, ce petit palmier doré, s'il est ramené au boulanger, vous propulse directement pour dix jours à la Martinique ! Le rêve ! Chaleur, baignade, coucher de soleil sur la plage... Bref, dix jours de farniente qui ne seraient pas de refus ! Et puis, un déclic. Mais si on gagne, Yann ne pourra pas refuser de partir... Son patron sera bien obligé de lui laisser prendre ses congés !
 En un rien de temps, entre un morceau de poisson pané et une cuillère de purée, me voilà sous les cocotiers avec mon mari.
On pourrait caser les jumeaux chez mes parents et à nous la belle vie ! Trop bien.
C'était décidé, samedi je ne ferai pas ma traditionnelle brioche aux pralines, non cette année nous mangerons une galette à la frangipane de la Boulangerie de la Libération !

Samedi matin, jour de marché, je me retrouvais à faire la queue sur le trottoir pour acheter la fameuse galette. Et visiblement je n'étais pas la seule à vouloir tenter ma chance. J'attendais un peu comme un vendredi 13 devant le bureau de tabac.
Coincée entre une mamie qui me souriait et un bambin de huit ans qui s'impatientait, je réfléchissais. Et si jamais il n'y avait plus de galette ? Et si tout ceci n'était qu'une arnaque, qu'un vulgaire coup de pub ? Il n'empêche que je restais là, à attendre. Mon tour finit par arriver. La galette fut vite emballée et vite payée, vu la file d'attente les vendeuses ne traînaient pas ! J'allais pour sortir de la boulangerie, quand soudain une question me vint à l'esprit : j'aurais peut-être dû en acheter plusieurs, histoire de multiplier nos chances ?
Mais je me ressaisis rapidement car j'aurai l'air d'une cruche, ou pire d'une folle, à retourner attendre pendant vingt minutes alors que j'ai déjà une galette dans les bras !

De retour à la maison, Yann ne manqua pas de m'interroger sur les raisons de cet achat. Je n'allais tout de même pas lui avouer la vérité alors je lui ai simplement dit que je voulais changer. Mon mari n'étant pas le genre d'homme à s'attarder sur les détails il me fit simplement remarquer que notre fils Hugo n'aimait pas la frangipane.
Telle une claque en pleine figure, je venais de me rendre compte que, accaparée par cette envie de rhum, de musique créole et de sable fin, j'en avais oublié mon fils.
Mon ego de mère venait d'en prendre un coup. Et pour me faire pardonner devinez ce que j'ai fait ensuite... Une brioche à la praline !

Dimanche après-midi nous étions donc tous les quatre autour de la table de la cuisine à regarder ces deux gâteaux. J'entrepris de couper la fameuse galette. Perdue dans mes pensées, je sentis quelque chose de dur sous le couteau... Mince, la fève. Pourvu que je ne l'abîme pas. Les garçons n'avaient rien vu, je fis mine de rien. Je découpais ensuite une part de brioche pour Hugo.

Tout le monde était servi, on pouvait commencer. Dans le calme chacun mangeait sa part quand soudain Lucas s'écria qu'il avait trouvé la fève ! Son frère voulu la voir, ils se chamaillèrent la couronne et pour finir filèrent jouer dans leur chambre laissant les restes de brioche et de galette dans leurs assiettes. Je mis un petit moment à réagir. Mais où est la fève ? Je demanda à Yann s'il l'avait mais il me répondit que non et me demanda « Pourquoi ? ». Pour rien, mais je lui expliquais que certaines personnes, les fabophiles, les collectionnaient et que j'avais envie de voir si celle-ci était jolie. « Bof, c'était une sorte d'arbre doré » me dit-il.

Quoi ? Un arbre doré ? Je n'en croyais pas mes oreilles.
« Mais un arbre comment ? »
«  J'en sais rien, moi... J'ai pas fait attention ! »
Comment ça, il n'avait pas fait attention ? Quelle poisse ! Je filais vers la chambre des garçons pour leur demander de me montrer la fève. Mais impossible de la voir, Lucas ayant décidé qu'elle lui appartenait. J'insistais : « Montre la moi juste ». Mais rien à faire, il l'avait caché. Mon cœur s'accélérait et ma patience diminuait. Si je ne parvenais pas à mettre la main sur cette fève, je pouvais dire adieu à nos vacances en amoureux !

Yann proposa aux garçons d'aller jouer au basket dehors. Excellente idée, pensais-je. Je pourrais ainsi fouiller la chambre à la recherche du fameux sésame. Quand mes hommes, comme j'aimais à les appeler, rentrèrent de dehors ils me trouvèrent assise au milieu des jouets de mes fils.
« Qu'est-ce que tu cherches maman ? » me demanda Hugo.
Comment allais-je lui expliquer mon comportement. Comment avouer à mes fils et mon mari que j'avais préféré chercher une fève dans le capharnaüm de mes enfants plutôt que d'aller jouer avec eux.
« Je cherche la fève » dis-je simplement.
Lucas mit sa main dans la poche de son pantalon et en sortit une figurine dorée. Je ne risquais pas de la trouver. Dire que j'avais passé l'après-midi à chercher partout. J'étais honteuse et finalement je n'osais même pas regarder la fève.
« Tiens maman, je te la donne si tu veux ».
Il ouvrit la main et me tendit un arbre doré... un beau sapin doré...
La Martinique ne serait pas pour maintenant.

Quelques jours plus tard, toujours pendant que je mangeais, je découvris dans le journal la photo de l'heureuse gagnante du voyage en Martinique. Pas de doute c'était elle. C'était bien la mamie qui attendait devant moi dans la file d'attente. Mince ! A une galette près on aurait pu partir au soleil... Je lis les quelques lignes sous la photo et compris que Célestine, 76 ans, et son époux Pierre, allaient pour la première fois de leur vie partir en vacances et qu'ils étaient tout excités à l'idée de prendre l'avion. Mon regard fut ensuite attiré par un homme qui posait en tablier à côté du couple et qui arborait un large sourire. C'était le boulanger, qui grâce à une bonne idée et une petite fève, allait lui aussi probablement partir sous les cocotiers.

  • Très chouette ce texte !
    Ah le soleil sous les cocotiers, un rêve pour beaucoup !
    Surtout quand l'hiver perdure !

    · Il y a environ 8 ans ·
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    Sylvie Loy

    • Oh oui.... ;) Et puis laisser nos ptits trésors pour quelques jours en amoureux... Huuummm...

      · Il y a environ 8 ans ·
      201502

      Angélique A.

  • Très bon texte amusant !.... Alors tu rêves de soleil !..... moi aussi, je ferais bien un break à la Martinique !.... ;-)

    · Il y a plus de 8 ans ·
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    Maud Garnier

    • Je rêve de vacances, de voyages, de découvertes... Un jour peut-être ;)

      · Il y a plus de 8 ans ·
      201502

      Angélique A.

  • C'est certain qu'il en a vendu des galettes le pâtissier ! Très belle idée, très savoureuse. Dommage pour le voyage : adieu les palmiers, l'eau chaude, le soleil ...

    · Il y a plus de 8 ans ·
    Louve blanche

    Louve

    • Oui le pâtissier pourra se payer un beau voyage ;) dommage pour la protagoniste :(

      · Il y a plus de 8 ans ·
      201502

      Angélique A.

  • ;)) quels veinards !! ;)) la prochaine fois tu me gardes la part de Hugo ?? Il est drôle ton texte, j'ai passé un bon moment ;)
    PS : j'ai su trop tard que toi aussi tu avais écrit une suite au texte de Sylvie...Va falloir agrandir la Cie des ZaCaMaSy !! ;))))

    · Il y a plus de 8 ans ·
    Ananas

    carouille

    • Merci et la prochaine fois je te réserve de la galette ;)

      Pas grave pour la Compagnie ;) On a commencé il y a un petit peu mais ensuite j'ai été peu présente ;)

      · Il y a plus de 8 ans ·
      201502

      Angélique A.

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