La fille du desert

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Lina Soto, 22 ans, est une brillante étudiante en médecine, titulaire d’un DU plantes et substances toxiques. Elle a une connaissance pointue des poisons, de l’anatomie et de la génétique. Elle fait des jobs d’hôtesse pour arrondir ses fins de mois.

Sa mère : journaliste d’origine libanaise, très proche du grand-père de Lina, un légionnaire allemande basé à Boucherieh. Il a enseigné à sa fille et sa petite-fille le close-combat et le krav-maga. L’instinct de survie. Nina à tout appris avec Papy lors de ses nombreuses vacances au Liban, jusqu’à ce qu’il meure, deux ans auparavant, et que le contexte politique précaire n’espace ses visites à la famille. Sa mère lui a transmis son assurance, sa culture, son esprit critique et son goût pour les entourages masculins.

Son père : photographe de guerre d’origine chilienne. Il a passé une partie de sa jeunesse dans les camps d’Augusto Pinochet et en a gardé une méfiance viscérale du pouvoir, des politiques, et des étiquettes en tout genre. Il lui a inculqué la méfiance. La nécessité de se protéger. Il lui a appris à décrypter les regards, les gestes, le moindre changement de lumière et d’intensité sur un visage. Lina, tout comme lui, est donc déjà une « ombre ». Elle ne possède pas de Facebook, aucune carte de fidélité ni de bibliothèque, elle n’est inscrite dans aucun groupe, ni aucune liste. Elle ne remplit aucun formulaire sur internet. Rien qui ne permette de la ficher. C’est une jeune fille très vive, qui ne fait confiance à personne.

Ses parents souvent absents, Lina est très indépendante. Elle sait se débrouiller seule depuis son plus jeune âge. Elle bricole, bidouille, dépanne. Elle est férue de jeux vidéos et de sport extrême (base-jumping, chute libre…) et évolue dans un univers essentiellement masculin. Ses amis sont sportifs de haut niveau, hackers, pilotes… A l’intérieur, c’est un vrai « garçon manqué » (elle déteste ce terme). Pour le reste, c’est une fille pulpeuse qui ne laisse pas indifférent, très charismatique (la plupart de ses amis sont secrètement amoureux d’elle, elle est d’une vraie candeur et ne s’en doute pas le moins du monde).

1m67 pour 52 kg, des yeux fauves, Lina est une belle brune possédant la flamme et le mystère  des femmes orientales. Indépendante et extravertie, tout sauf discrète, elle a le verbe acerbe mais c’est une fille naturelle, tolérante et simple qui porte les idéaux de liberté de sa famille.

Elle vit à Paris chez ses parents, dans un magnifique loft au dernier étage d’un immeuble cossu en bord de Seine, près de la Bibliothèque François Mitterrand. La terrasse est presque entièrement occupée par sa collection de serpents rares (dont elle étudie les venins).

Elle parle parfaitement anglais, français, allemand, arabe et kurde.

SYNOPSIS

Lina, affectée à la distribution des badges VIP lors du 4è sommet sur le Moyen-Orient au Sénat, déjoue malgré elle la tentative d’assassinat de Masroor Bazrani, chef des services de renseignement kurdes.

Convaincue qu’il se passe quelque chose de grave, elle décide de prendre la fuite. Elle fonce dans le 18è, chez le pilote qui l’emmène sauter en parachute. Il lui faut 24h pour lui faire quitter la France. Elle a des amis en Suisse. De là elle compte gagner le Liban. Seule ombre au tableau : ses parents. Son père couvre les émeutes en Syrie. Sa mère enquête sur les féminicides au Guatemala. Son unique moyen d’entrer en contact avec eux : deux téléphones satellites dont les numéros sont à son appartement. Elle ne peut pas disparaître sans les mettre au courant. Elle retourne chez elle où elle est enlevée par la garde rapprochée du kurde.

Bazrani ne veut traiter qu’avec elle. Elle doit servir d’intermédiaire avec la DGSE, il doit comprendre rapidement qui lui en veut et pourquoi, des élections importantes se préparent en Turquie. Lina refuse catégoriquement. Masroor insiste. Il peut lui fournir de l’argent. Elle ignore que son père a déjà été  enlevé, sur ses ordres, afin de faire pression pour qu’elle accepte de l’aider.

Le soir elle se rend dans sa chambre, à l’hôtel du Louvres. Durant la soirée, une escort se présente. Champagne. Cocaïne. Lina s’éclipse à l’aube avec 30 000 euros et un flingue. Sur le chemin de l’aérodrome, sa mère lui apprend, paniquée, que son père vient d’être enlevé au Nord de Damas. Lina ne croit pas une seule seconde à la coïncidence. Elle retourne à l’hôtel où des flics la recherchent. Elle parvient à les semer dans la galerie du Louvres. Sa seule chance, la DGSE. Elle fonce dans le 20è et tape du poing sur la table. C’est Bazrani himself qui l’envoie. Marc Falbi, sous-directeur de la section Proche-Orient, lui apprend que Masroor a été tué dans la nuit. Sa cocaïne était coupée à l’anthrax. Première suspecte : elle. Présente lors des deux attentats.

            - Une pute a apporté la came. Je l’ai vue. Faites libérer mon père et je vous aide à la retrouver.

Elle vient de se jeter dans la gueule du loup.

Marc Falbi, bien placé et avide de pouvoir est devenu quelque peu… extrémiste. Selon lui, la France et toute la communauté internationale font preuve de laxisme face aux positions de la Turquie depuis qu’elle est devenue une base arrière dans la guerre contre l’Irak. Réagir reviendrait à durcir encore des relations déjà tendues avec les Etats-Unis. Sur fond d’élections législatives houleuses, avec le vent de liberté soufflant sur le Moyen-Orient, il pense que la France a besoin d’un signal fort pour agir. Il décide de monter, sans le consentement de sa hiérarchie, une opération visant à justifier une action française : l’attentat contre Bazrani. Il fera croire à une manœuvre de fanatiques religieux, groupuscule extrémiste anti-kurde.

Un prétexte pour durcir le ton avant une éventuelle entrée de la Turquie en Europe.

Pour se débarrasser de Lina il l’envoie en Iran, au prétexte qu’une de ses sources aurait signalé l’arrivée de l’escort. Elle est novice. Il pense qu’elle se grillera sans même qu’il ait à se salir les mains.

Contre toute attente, Lina réussit parfaitement son infiltration. Elle devient très proche du jeune Aymen, agent en place depuis deux ans, qui ignore que ses patrons veulent l’éliminer. Son enquête progresse vite. Elle découvre… qu’il n’y a rien à découvrir.

Des amis à elle, white hats, lui apprennent que la prostituée est morte à Paris depuis des semaines (Falbi l’a fait éliminer quand il a compris qu’elle n’avait pas consommé de cocaïne.)

Lina commence à douter. Craignant qu’elle ne le perce à jour, Marc décide d’en finir et révèle aux terroristes qu’ils ont été infiltrés par des taupes de la DGSE. Il condamne son autre agent mais elle ne lui laisse pas le choix.

De son côté, son père parvient à se libérer. Barzani mort, ses geôliers se succèdent, sans plus trop savoir qui il est, ni ce qu’ils doivent faire de lui. La surveillance se relâche, il s’échappe lors d’un transfert et découvre avec stupéfaction qu’il est en Turquie. Il contacte sa fille par mail, persuadé qu’il a été enlevé à cause d’une photo, prise en marge des émeutes, sur laquelle il a reconnu un agent de la DGSE qui l’avait aidé lors d’un reportage en Irak. Il pense qu’il se trame quelque chose et craint pour sa vie. Il lui explique que les clichés sont dans une consigne. S’il lui arrive malheur, elle doit entrer en contact avec un certain Özgür Kiliç et se procurer les documents.

La tension monte d’un cran. Marc intercepte le mail et le fait assassiner. Lina et Aymen, en cavale, réussissent à gagner la Turquie et à échapper aux mercenaires.

Sa mère publie les photos prouvant l’implication d’une filiale de la DGSE dans l’attentat du Sénat. Falbi, limogé et incarcéré se donne la mort dans sa cellule. Lina est alors approchée officiellement par les services de renseignement français.

SCENE D’ACTION

Un soleil impitoyable, semblable à un œil gigantesque posé sur moi. Une étendue sèche et plate, vide de tout homme. De toute substance.

Le désert.

Aymen ne me quitte pas des yeux. L’entraînement c’était son idée. Enterrée dans le sable jusqu’à mi-cuisse, bras à l’horizontal. Un litre d’eau dans chaque main. Je dois tenir. J’ignore combien de temps. Juste tenir. A la lisière des mes cils brûlés par le sel, l’air se déforme. Une gangue de chaleur blanche. Niyaz essuie son front zébré de sueur. Je balbutie :

-Tu as mal à la tête ?

-Ferme-la, crache-t-il. Si tu renverses une goutte, on recommence…

Une crampe dans mon bras gauche. La gourde est affreusement lourde. Il me faut de l’oxygène. Un apport hydro-sodé. Combien de temps avant de tomber dans le coma ? De la salive coule de mes lèvres. Je songe à mon père. Une silhouette frêle dans un camp. Un couloir sombre dont personne ne ressort indemne. Je le sortirai de là. J’y arriverai.

-Quel âge tu avais ? Vingt ans ? Combien de temps tu t’es battu en Irak ?

Le corps si douloureux que rien d’autre n’est réel. Seul l’éclat froid et blafard de la souffrance.

-Tu as des pertes de mémoires, je parie… du mal à marcher…

Niyaz s’agenouille, un vague frémissement sur son visage.

-Explique, dit-il.

Mes tendons, des câbles à vif sous ma peau. Mon bras droit me lâche. Je suffoque.

-J’ai étudié la médecine. Tu souffres de faiblesse musculaire et d’éruption cutanée typiques d’un Syndrome de la Guerre du Golfe. J’en déduis que tu te trouvais dans les zones de combat quand les américains ont balancé de l’Uranium appauvri sur vos chars.

Je lève les yeux sur lui. De la poussière. Et rien d’autre.

-Je peux sauver votre homme…

L’eau se répand sur le sol.

L’odeur m’est familière. Sang. Matières organiques. Niyaz aboie des ordres brefs. Je cligne plusieurs fois des yeux pour reprendre conscience. Sa voix explose dans mes oreilles.

-SAUVE-LE !!!

Ali, sur une table métallique, gémit comme un animal, replié sur lui-même, les doigts serrés autour d’un keffieh.

-Que s’est-il passé ?

-Un moteur lui a happé la main.

-Tu mens. Dis-moi ce qu’il a, ou ramène-moi dans le désert.

Il hésite.

-Du C-4, lâche-t-il.

Pas de gant ici. Pas de latex, de tubulure, de drain, pas de vycril ni de 2.O. Rien que la peur. La mort. Je soulève le tissu. Le môme laisse échapper un hurlement. L’odeur âcre de la plaie emplit l’air.

Pas beau.

Je m’y attendais.

Dans la bouillie de chair, des morceaux d’os et de cartilages. Ne rien laisser transparaître. T’as vu pire, Lina.... Oui mais pas ici. Pas comme ça. Son cri se mue en pleurs déchirants. Infinis. Ses jambes battent l’air convulsivement.

-T’as quoi contre la douleur ?

Niyaz secoue la tête.

-Donne-moi de l’alcool !

-C’est interdit, on n’en a pas ici.

-DONNE-MOI DE L’ALCOOL !!

Je le saisis par les épaules. Mes doigts laissent des traînées sombres sur sa tunique. Un signe de tête et on m’apporte une bombonne sale. J’envoie tout ce que je peux dans l’œsophage du gamin. Il vomit. Je recommence. Je verse une grande rasade sur sa plaie. Sa tête bascule, ses yeux roulent sous ses paupières. Sang et larmes sur le sol.

-Un couteau, un briquet !

Dans le regard d’Aymen, toute la douleur du monde, comme s’il ne se pardonnerait jamais de m’avoir infligé cela. Il se détourne. Deux hommes quittent la pièce. Je vois des oliviers desséchés par le soleil. Des femmes cherchant la fraîcheur à l’ombre des maisons. Les bruits de mon enfance. Les douceurs. Est-ce que je deviens folle ? Je suis en train de hurler.

SCENE EROTIQUE

Des voix. Deux moudjahidines avec AK-47.

Aymen me pousse dans un renfoncement sombre. Je sens sa chaleur. De la vie, derrière les cris, les secrets, les larmes.

Les hommes s’éloignent. Il reste contre moi. Son regard ne me lâche pas. L’envie d’être sauvage me submerge. Me cambrer, docile, provocante. Je le plaque contre le mur. Son corps apparaît, dessiné par l’exercice. La faim. Ma bouche sur la sienne, j’enserre sa nuque. Sa carotide bat de plus en plus fort. Mes doigts le long de la ligne parfaite de son torse. De minuscules contractions où j’effleure la peau. Je sais où toucher. Les points sensibles, terminaisons nerveuses. Je maîtrise l’art de la réaction en chaîne.

En d’autre lieu, je l’aurais caressé longuement, je l’aurais amadoué pour qu’il ferme les yeux. Ma langue le long de son périnée, avec douceur, puis avec plus de force. J’aurais utilisé mes doigts pour exercer la pression suffisante. Je me serais enfoncée doucement en lui. Il se serait raidi, comme le font tous les hommes. Je m’y serais prise avec adresse pour qu’il connaisse le plaisir de l’abandon, être une petite chose au creux du désir de l’autre. Il aurait joui comme jamais. Il aurait été à moi pour toujours.

Je m’agenouille devant lui, l’embrasse à travers son pantalon. De plus en plus fort. Il retient sa respiration.

En d’autre temps, j’aurais eu envie qu’il attrape ma crinière à pleine main, me guide jusqu’à son sexe et me regarde le prendre entièrement. J’aurais incarné le moindre de ses fantasmes à la perfection. Juste pour le plaisir. Je l’aurais pris entre mes seins, il aurait joui sur mes lèvres. Je me serais caressée en gémissant.

Il passe sa main tremblante dans mes cheveux et me relève. Nos souffles se mêlent et c’est comme respirer après une longue apnée. Ouvrir les yeux après un cauchemar. Il se glisse sous ma chemise, effleure mes seins. Je ne peux me détacher de ses yeux. Deux flaques grises, luisantes comme du mercure. Magnétiques. Soudain je vois tout ce que j’ai été. Ce que j’ai aimé autrefois.

Dans une autre vie nous aurions flâné en bordure de la nuit, quand tout s’émousse sauf le désire, que la fatigue est douce, qu’elle n’existe pas. Le lavis bleuté de l’aube sur sa peau, à travers les stores. Nous aurions refait l’amour une fois avant de sortir. Echangé un baiser sous la marquises des arbres, place des Abbesses, bu une bière glacée. La chaleur de l’été nous aurait poussés sur les quais de Seine, au pied des vieilles murailles et sous les ponts. Enivrés d’alcool, de la fraîcheur de ces moments passés, quand on sait qu’on ne les regrettera pas car ils font désormais partis de nous. La lumière particulière du soir sur l’île de la Cité. Les choses simples et belles. Il aurait aimé. Il aurait adoré tout ça.

-Ça va ?

Il caresse mes lèvres. Je pleure.

-Lina…

Ma main contre sa bouche. Je lui fais signe de se taire.

-Je veux juste… je veux juste pouvoir faire quelque chose de beau, aujourd’hui…

J’aurais pu lui montrer tout cela. Mais nous sommes dans un boyau sordide et froid. Je dois cesser de faire comme si tout pouvait être autrement.

Il me soulève comme si je n’étais qu’un souffle. Ses caresses sont novices mais tendres. Passionnées. Sincères. Je suce ses cheveux, je soupire. J’ai envie de lui à en crever. Me perdre, me fondre. Le dévorer, encore et encore jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien de nous. Ne plus être seule. Jamais.

Impossible.

Aymen ne connait que peur, mensonge et trahison.

Je ne suis pas sûre d’être prête.

Je hais cet endroit.

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